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Mais qui se souvient de Pierre Boulez?

«Pour tous ceux qui l'ont côtoyé et qui ont pu apprécier son énergie créatrice, son exigence artistique, sa disponibilité et sa générosité, sa présence restera vive et intense», indique sa famille dans un communiqué diffusé par la Philharmonie de Paris, dont il était l'initiateur.

Ils sont nombreux parmi les patriotes algériens à se rappeler le passé glorieux de Pierre Boulez qui vient de nous quitter à l'âge de 90 ans. Un prestigieux compositeur et chef d'orchestre français qui s'était distingué par ses courageuses positions favorables au peuple algérien en lutte contre la caste coloniale française. Des positions qui seront scellées par la signature, en septembre 1960, du «Manifeste des 121» grâce auquel des intellectuels, des universitaires et des artistes de l'autre côté de la rive ont tenu à informer l'opinion française et internationale de ce mouvement de contestation contre la guerre en Algérie. Pour mémoire, les 121 signataires y critiquent l'attitude équivoque de la France vis-à-vis du mouvement d'indépendance algérien, en appuyant le fait que la «population algérienne opprimée» ne cherche qu'à être reconnue «comme communauté indépendante». Partant du constat de l'effondrement des empires coloniaux, ils mettent en exergue le rôle politique de l'armée dans le conflit, dénonçant notamment le militarisme et la torture, qui va «contre les institutions démocratiques». Ardemment défendu par les intellectuels les plus en vue de l'époque à l'image de Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, François Maspéro, André Mandouze, Edouard Glissant, André Breton, Marguerite Duras, Alain Resnais, Simone Signoret sans oublier François Truffaut etc., le document en question mettra l'accent sur trois propositions décisives et déterminantes quant au devenir de la Révolution algérienne: «Le refus de prendre les armes contre le peuple algérien, l'encouragement aux Français d'apporter aide et protection aux Algériens opprimés au nom du peuple français et la consécration de la cause du peuple algérien qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial, comme étant la cause de tous les hommes libres.» Cette façon de poser les problèmes n'a pas été sans provoquer l'ire des autorités françaises et une kyrielle de mesures répressives s'apparentant le plus souvent à une véritable et redoutable chasse aux sorcières. Le contexte politique de l'époque marqué par l'exacerbation des prises de position en faveur d'une paix négociée avec l'Algérie y est pour beaucoup: «Une partie de la jeunesse - enrôlée de force - refuse une guerre jugée absurde et injuste. L'opposition de gauche, les syndicats et les partis s'organisent en divers mouvements contestataires. À l'extrême de ce mouvement de réfractaires se trouvent les déserteurs, de plus en plus nombreux, et les réseaux clandestins d'aide au FLN. Fermement combattus par le gouvernement, ils essuient de sévères mesures coercitives. Et le 5 septembre 1960, débute à Paris le procès du réseau Jeanson - un groupe d'aide au FLN. Le gouvernement compte sur une condamnation qui doit être exemplaire pour dissuader la création de mouvements de ce genre. Le lendemain, la diffusion du Manifeste des 121 va révéler une opposition délicate à gérer pour le pouvoir.» Une batterie d'interdictions est alors édictée par les autorités à l'égard des signataires: «Au-delà du silence total imposé aux salles de rédaction sur cette contestation, tout individu signataire se voit évincé des ondes de la RTF: interdiction de paraître (ni en images ni dans le générique) aux émissions télévisées et dans les oeuvres de fiction; interdiction à la RTF de citer nommément une personnalité signataire ou de faire mention de son activité, encore moins de diffuser son oeuvre...Tous les signataires de cette déclaration ont été inculpés ou suspendus de leurs fonctions, rapportent plusieurs sources concordantes. Ce n'est du reste pas sans raison si les rapports entre Pierre Boulez et André Malraux n'ont jamais connu un début d'évolution, même une décennie plus tard après le retour en France, à la demande expresse du président Georges Pompidou, du premier nommé. Boulimique, Pierre Boulez l'était assurément, jusqu'à sa mort, à la faveur d'une appétence intellectuelle, artistique et littéraire des plus insondables: «J'ai connu tous les gens de ma génération, Robbe-Grillet, Butor, Claude Simon, des peintres aussi comme Nicolas de Staël qui était passionné de musique contemporaine. Sans doute y a-t-il eu entre nous des rapports d'émulation intellectuelle. J'ai beaucoup discuté avec Michel Foucault. Nous avons fait un symposium avec lui mais aussi Gilles Deleuze et Roland Barthes.» Connu pour son esprit critique, sa culture universelle et polyvalente, il a voulu d'abord ouvrir cet art à toutes les classes sociales, parce qu'«il était exaspéré par l'attitude conservatrice du monde musical français». «Pour tous ceux qui l'ont côtoyé et qui ont pu apprécier son énergie créatrice, son exigence artistique, sa disponibilité et sa générosité, sa présence restera vive et intense», indique sa famille dans un communiqué diffusé par la Philharmonie de Paris, dont il était l'initiateur. Pour ceux qui l'ont connu, il a toujours défendu l'idée de trouver une place de la musique nouvelle dans les programmes de concerts et encouragé la création musicale la «plus exigeante». Durant toute sa carrière, Boulez prônait un décloisonnement des arts entre peinture, théâtre et concert. «C'est à ce prix que l'on touchera un public jeune, renouvelé dans son aspect social comme dans ses aspirations esthétiques», soutenait-il.

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