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17 octobre 1961-17 octobre 2019

Retour sur un crime d’état

Mohamed Ghafir, qui a vécu sur les deux rives de la Méditerranée, mesure parfaitement l’amour que portent les uns et les autres à leur patrie.

Il y a 58 ans, jour pour jour, les Algériens de l’émigration écrivaient une page héroïque de l’Histoire de l’Algérie. Bravant le couvre-feu imposé par le préfet de police de Paris, Maurice Papon, ils ont investi les rues de la capitale française, pour dénoncer la mesure raciste qui obligeait les Algériens à rester chez eux. L’appel à manifestation était à l’initiative de la Fédération de France du FLN. L’un de ses responsables, Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy, rapporte dans un livre-témoignage, les origines et l’impact sur la révolution, de ces grandes manifestations où des centaines d’Algériens étaient tombés en martyrs. Mohamed Ghafir explique dans le menu détail, les événements qui ont conduit à cette révolte de l’émigration algérienne, en France, qui a grandement contribué à la guerre de Libération nationale et peut légitimement prétendre à sa part dans le triomphe du peuple algérien contre l’occupant français.
Mohamed Ghafir met en évidence, dans son livre, la grande cohésion qui existait entre le militant du FLN, le moussabel et le moudjahid en opération en France. Depuis l’ouverture du second front, sur instruction du GPRA, l’Algérie combattante était bel et bien présente dans l’Hexagone. Et lorsque la direction de la révolution a pris la résolution de briser l’encerclement imposé par la préfecture de Paris, l’ensemble des Algériens a répondu comme un seul homme. L’extraordinaire discipline du peuple a donné une autre leçon à la communauté internationale, après celle du 11 Décembre 1960 à Alger. La France coloniale a appris, à ses dépens, qu’elle avait affaire à un seul et unique peuple.
Cela pour la détermination, jusqu’au martyr, des Algériens. Concernant les faits eux-mêmes et la nature de la répression organisée par les policiers de Maurice Papon, Mohamed Ghafir rapporte dans son livre que «parmi les milliers d’Algériens emmenés au parc des Expositions de la porte de Versailles, des dizaines ont été tués à coups de crosse et de manche de pioche par enfoncement du crâne, éclatement de la rate ou du foie, brisure des membres». Ce propos est vrai et repose sur des témoignages avérés, qu’aucune partie n’a remis en cause. D’ailleurs, Mohamed Ghafir qui anime régulièrement des conférences historiques en France, n’a jamais été interpellé sur les témoignages qu’il a publiés.
A propos des Algériens froidement liquidés, il nous apprend : «Leurs corps furent piétinés sous le regard bienveillant de M. PARIS, contrôleur général. D’autres eurent les doigts arrachés par les membres du service d’ordre, policiers et gendarmes mobiles, qui s’étaient cyniquement intitulés « comité d’accueil ».
Les témoignages continuent : « A l’une des extrémités du pont de Neuilly, des groupes de gardiens de la paix, à l’autre des CRS, opéraient lentement leur jonction. Tous les Algériens pris dans cet immense piège étaient assommés et précipités systématiquement dans la Seine. Il y en eut une bonne centaine à subir ce traitement. Ces mêmes méthodes furent employées au pont Saint-Michel.». Moh Clichy rapporte aussi que «les corps des victimes commencent à remonter à la surface journellement et portent des traces de coups et de strangulation. A la station de métro Austerlitz, le sang coulait à flots, des lambeaux humains jonchaient les marches des escaliers...» L’horreur n’avait pas de limite. Qu’on, en juge : «La petite cour, dite d’isolement, qui sépare la caserne de la Cité de l’hôtel préfectoral était transformée en un véritable charnier. Les tortionnaires jetèrent des dizaines de leurs victimes dans la Seine qui coule à quelques mètres pour les soustraire à l’examen des médecins légistes. Non sans les avoir délestées, au préalable, de leurs montres et de leur argent.» Cette tuerie sans nom se faisait au vu et au su des patrons de la police parisienne. «M. PAPON, Préfet de police, et M. LEGAY, Directeur général de la police municipale, assistaient à ces horribles scènes», lit-on dans l’ouvrage de Mohamed Ghafir qui précise : « Dans la grande cour du 19-Août, plus d’un millier d’Algériens étaient l’objet d’un matraquage intense que la nuit rendait encore plus sanglant.»
Ce ne sont là qu’un aperçu de ce que l’Etat français a commis comme crimes à l’endroit de manifestants pacifiques.
Aujourd’hui, à 58 ans de distance, les dignes fils du pays issus de l’émigration en France continuent de contribuer à l’essor de leur pays. Et pour cause, si les Algériens ont toutes les raisons d’être fiers de leur Equipe nationale de football, après la victoire d’hier, contre la Colombie, c’est en partie grâce à l’apport de ses enfants nés en France et qui se sont battus, comme leurs parents, pour le triomphe de leur pays. Avec leurs camarades nés et grandi dans le pays, ils ont porté haut les couleurs de l’Algérie.
Le rapport entre ce succès retentissant, le fait qu’il ait été réalisé par des Algériens des deux bords de la Méditerranée et l’Histoire ne peut échapper à personne.
Mohamed Ghafir qui a vécu entre les deux rives de la Méditerranée mesure parfaitement l’amour que portent les uns et les autres à leur patrie. Le sang des Algériens qui a coulé en Algérie et en France est le même.

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