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5 SEMAINES DE LUTTE PACIFIQUE, LE SYSTÈME EST DANS L'IMPASSE

Pendant ce temps, le peuple...

A l'appel d'activistes, suivis sur les réseaux sociaux par des millions d'Algériens, le vendredi 1er mars 2019, des centaines de milliers de manifestants, dans nombre de wilayas, descendent dans la rue pour marcher contre la candidature de Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat: «Non au cinquième mandat», «La lil ouhda l'khamissa», scandent-ils.

Les manifestations deviennent un lieu de communion: citoyens, de sensibilités politiques diamétralement opposées, ex-terroristes, corrompus et corruptibles y compris les séparatistes, réunis par un slogan «système dégage». La population vient de braver plusieurs tabous et interdits. Elle passe outre l'interdit de marcher, la menace de la décennie noire, le souvenir des événements du printemps noir de Kabylie en 2001. Elle démystifie des images, atténue la puissance de l'administration et des partis au pouvoir et d'allégeance qui soutiennent le président. Le peuple algérien, femmes et hommes, se réapproprient leurs rues et leurs villes, le peuple entend arracher ses droits dans le calme. Indignée par le scandale de la Coupole et les arrestations arbitraires d'activistes et de personnalités médiatiques, la population a été gagnée par un fort sentiment d'humiliation. Un sentiment aggravé au vu du spectacle attristant d'une faible opposition et des clowns que le pouvoir a habillés pour prétendre représenter le peuple. Le régime semble découvrir avec étonnement un peuple qu'il a longtemps traité avec condescendance. Le pouvoir est resté dans sa rigidité et dans son discours décourageant toute velléité de modernisation ou d'émancipation. Pendant ce temps, le peuple a su acquérir la maturité politique nécessaire pour adapter sa démarche dans le but d'obtenir sa souveraineté. De plus, à force de saboter et de discréditer l'opposition, le pouvoir se retrouve seul face au peuple.

La rue affûte ses idées
Enfin, le choix de vendredi comme jour de marche a fait penser à une manipulation des islamistes. Mais en réalité, c'est en fait le jour où les gens ne travaillent pas. C'est l'équivalent d'un samedi à l'européenne. L'Algérie reste une exception dans l'environnement maghrébin et régional. Le peuple algérien a toujours été en avance sur le reste du Monde arabe, le peuple algérien se battait contre le colonialisme alors que le reste du Monde arabe négociait des bribes de libertés; l'Algérie a ensuite fait son «printemps arabe» en 1988; elle a combattu le terrorisme islamiste à huis clos lorsque personne n'avait encore entendu parler de ce phénomène. Allons-nous être en mesure de bâtir un pays à la hauteur de nos aspirations? Les marches ont révélé un peuple responsable, conscient des enjeux du pays, fin stratège pour avoir bravé intelligemment les interdits et neutralisé la répression. On parle de marches pacifiques, de peuple éduqué. D'une semaine à l'autre, le nombre de marcheurs explose pour atteindre les 20 millions selon des estimations non attestées, chiffre qui correspond, ironie du sort, aux 20 millions de votants qu'un responsable politique du FLN s'est engagé, de façon arrogante, à mobiliser au profit du président sortant.
Les revendications s'affinent en interactions aux manoeuvres du pouvoir et à son entêtement: départ du système au pouvoir; affirmation d'une République démocratique; mise à l'index de «fils de la France, Ouled França», en référence au scandale du gaz livré gratuitement à la France; «Non-ingérence dans les affaires intérieures de l'Algérie.» Il est à remarquer cependant que les forces de l'ordre et l'armée sont épargnées par la vindicte populaire, les manifestants qui scandent même «chaâb djeich, khaoua» et eux, elles ont fait montre, à leur tour, d'une attitude louable. L'Algérien est téméraire et il réalise que, pour contrer toute justification de répression de la part du pouvoir, il doit maintenir une image pacifiste. Les Algériens ont appris à coexister avec leurs différences politiques, culturelles et identitaires; le peuple a abouti à un consensus, le régime au pouvoir doit disparaître. Depuis le 1er mars, le peuple algérien se trouve déjà dans l'après- Bouteflika; il a pris conscience que le combat est encore long avant de voir disparaître un régime qui s'essouffle, mais qui a toujours réussi à se régénérer.

Des propositions existent
Le peuple débat aujourd'hui de la question de la représentativité. Bien que des personnalités issues du coeur du mouvement se démarquent, celui-ci refuse d'être représenté de peur d'être phagocyté. Ceux qui se considèrent comme représentants du peuple à tort ou à raison, mais aux ambitions politiques manifestes, ne doivent pas non plus figurer dans le projet de la transition exigée par le peuple. Des propositions existent pour constituer des comités des sages ou un directoire autoconstitué de patriotes consensuels se déclarant prêts à prendre en main les destinées du pays pour une période transitoire, sans aucune ambition politique. Ces militants qui ont enduré le pire ces dernières années, emprisonnés, leurs noms souillés, méritent le plus grand des hommages, pour leur discrétion et leur humilité. Leur premier but était le réveil du peuple, ce but a bel et bien été atteint. Chaque vendredi, le peuple crie ses revendications à l'unanimité. Ces militants de l'ombre, dont les voix ont été tant de fois étouffées, ont réunifié le peuple tout entier pour crier ce que le régime leur interdisait d'exprimer.


rééquilibrage de la relation civilo-militaire

Les derniers développements de la situation inquiètent et participent de l'opacification de la lecture des événements: les visites diplomatiques en Russie, en Chine, en Europe; le changement de gouvernement annoncé, mais qui a toutes les peines à se former; la versatilité des partis d'opposition; les reniements de dernière minute des partisans de Bouteflika que le peuple rejette et stigmatise par des sobriquets tels que «renégats», «retournés». A cela s'ajoute la position de l'armée, qui, faut-il le dire, est à saluer. Un rééquilibrage de la relation civilo-militaire se profile-t-il à l'horizon? Le peuple dans la rue ne demande pas à l'armée de se retirer du champ politique où elle joue un rôle central, mais il sait bien que cela doit être graduel et effectif. C'est tout un programme et toute une méthodologie que le peuple vient de redécouvrir dans la pratique des luttes quotidiennes, mais c'est aussi valable pour l'armée qui se découvre face à une jeunesse forgée et a survécu à la sale guerre, la guerre civile qui vit son temps, un temps de modernité et de nouvelles technologies. De grands changements sont en vue, chaque jour le questionnement s'amplifie. Une question s'impose, passé le 28 avril, le peuple, qui fait la révolution en chantant, fera-t-il face à un régime qui actionnera ses mécanismes habituels et désuets, derrière un président amorphe qui fait un coup d'Etat en silence? Un silence de plomb qui nous projette dans l'inconnu.

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