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MORALE ET DÉVELOPPEMENT MULTIDIMENSIONNEL

Les grandes batailles des gouvernants

Pour l'Algérie, les réformes institutionnelles et micro-économiques doivent s'inscrire dans le cadre d'une stratégie clairement définie

L'économie mondiale en ce XXIème siècle est caractérisée par l'interdépendance des économies et des sociétés, vivant dans une maison de verre, du fait de la révolution dans le domaine des télécommunications... Aucun pays ne peut y échapper si l'on ne met pas en place de nouveaux mécanismes de régulation supranationaux afin de réhabiliter la sphère réelle, la monnaie étant au service de l'économie et non un instrument pour la dominer. Et ce, bien entendu, dans le cadre d'une économie mondiale concurrentielle tenant compte des avantages comparatifs mondiaux, et devant lier l'efficacité économique avec une profonde justice sociale - les économistes parleront d'équité. Aujourd'hui, nous sommes à l'aube d'une nouvelle transition de la société mondiale, avec de profonds bouleversements géostratégiques, ce qui supposera des ajustements sociaux douloureux et donc une nouvelle régulation sociale afin d'éviter les exclusions.
Le chacun pour soi serait suicidaire avec des conflits désastreux. Pour cela, les politiques et les économistes doivent réhabiliter un facteur stratégique du développement, la morale. Car il existe des liens inextricables entre un développement durable et la morale - en fait la récompense de l'effort - et une lutte contre la corruption sous ses différentes formes. Le fondement de toutes les crises mondiales ou le développement des sociétés ne s'explique pas seulement à partir de données économiques, mais également morales. Dans la lignée des enseignements de Platon et d'Aristote sur la morale des dirigeants, l'apport d'Ibn Khaldoun,(1332-1406), pionnier des sciences sociales modernes est d'une grande portée à la fois scientifique et opératoire au vu de la crise mondiale actuelle. expliquent les chaires d'enseignement en Europe et aux USA.
Lui qui a développé une théorie de l'histoire centrée sur les grands mouvements de la société où ses thèses sont exposées dans la longue introduction méthodologique (près de 1 000 pages), connue sous le titre de Muqaddima, de l'oeuvre à laquelle il a travaillé pendant trente ans, Kitâb al-'Ibar, Le Livre des exemples, ou Livre des considérations sur l'histoire des Arabes, des Persans et des Berbères. Pour Ibn Khaldoun l'étude d'une société implique que trois dimensions soient analysées conjointement: la dimension économique, les besoins des groupes humains et la manière de les satisfaire; la dimension culturelle qui comprend la régulation des rapports sociaux, mais aussi l'usage des techniques, les arts et la science; enfin, la dimension politique, le pouvoir au sein des groupes et le pouvoir central au niveau de la société globale. L'auteur montre clairement que la plupart des dynasties ont connu le même devenir: fondées par un groupe tribal qui a pu s'emparer du pouvoir central, ayant connu une période de prospérité puis une période de décadence jusqu'à ce qu'un autre groupe tribal ait acquis suffisamment de force et de maturité reposant sur la morale pour s'emparer à son tour du pouvoir central.

Nouvelles institutions
Ibn Khaldoun distingue cinq phases. Dans une première phase, le chef du groupe tribal, fondateur de la dynastie consolide son pouvoir, soutenu par une forte açabiyya et obtenant l'allégeance de groupes tribaux de plus en plus nombreux. Durant les deux premières phases, le politique domine et permet un certain développement économique. Au cours de la troisième phase, le pouvoir est fort, la perception des impôts favorise une certaine prospérité; l'architecture, les techniques, les arts et les lettres connaissent un certain essor et le peuple vit dans une certaine aisance Au cours de la quatrième phase, l'autosatisfaction s'installe ainsi que la dépendance à l'égard des biens matériels; les dépenses vont miner le trésor public d'autant plus que les hommes au pouvoir sont entourés de personnages qui recherchent des profits matériels. Les impôts augmentent et la population s'appauvrit. Le mécontentement s'installe et la dynastie perd le soutien du peuple. Ce qui va permettre à un autre groupe tribal doué d'une forte açabiyya et nourrissant un projet politique de s'emparer à son tour du pouvoir central et de fonder une nouvelle dynastie. Cette décadence étant due essentiellement à l'absence de morale.
Dans la même lignée, Adam Smith(1723-1790), le fondateur de l'économie moderne a mis en relief les liens dialectiques entre morale et richesse des nations où il enseignait la morale à l'université de Glasgow, publiant en 1759 la Théorie des sentiments moraux, son premier ouvrage, l'objet étant de définir les principes de la morale, saisir les vertus nécessaires au bon fonctionnement de la société et comprendre d'où vient le sens moral, son oeuvre mettant en relief la croisée de l'économie et de la philosophie morale. Ces apports fondamentaux seront approfondis par Karl Marx dans Le Capital, Joseph Schumpeter dans Réformes et Démocraties et entre 1990-2018 la majorité des prix Nobel de sciences économiques ont été décernés aux institutionnalistes.
Je me permets de rappeler lors d'une rencontre internationale organisée par l'Union européenne, nous avons eu à discuter de ces liens, à Malte du 24 au 26 décembre 2011, animée par d'importantes personnalités internationales, et dont j'ai été l'un des participants, sur l'avenir des économies arabes et méditerranéennes. La majorité des participants des deux rives de la Méditerranée ont mis en relief le fait que la mise en place de nouvelles institutions démocratiques occasionnent, à court terme, un ralentissement économique, donnent l'impression d'une anarchie pour les tenants du pouvoir et de leur cour car détruisant leurs privilèges, mais porteuses d'espoir à moyen et long terme pour toute la population. C'est que les nouvelles institutions et les réformes économiques détruisent les anciennes logiques du système fondé souvent sur des relations personnalisées informels, et non sur les institutions.
Il avait été souligné notamment au cours de cette importante rencontre que l'islam est une religion de tolérance, ne pouvant s'assimiler à l'intolérance et à l'extrémisme qui conduit au terrorisme qui est une menace planétaire se nourrissant de la misère et du manque de morale des dirigeants. Les discours chauvinistes, confondant patriotisme et chauvinisme nationaliste de certains dirigeants dénonçant des «complots de l'extérieur», ne portent plus au sein d'une population à majorité jeune, parabolée et ouverte sur le monde. Et il avait été affirmé en conclusion que les bouleversements tant mondiaux qu'internes à ces régimes sont la conséquence des dictatures et les autoritarismes qui sont devenus, dans un monde complexe, de très graves menaces à la souveraineté et à l'indépendance de ces pays et, d'une manière générale, à la sécurité mondiale.

Urgence d'une stratégie bien réfléchie
Mais force est de reconnaître pour des intérêts étroits, les pays développés ne favorisent pas forcément cette trajectoire. C'est dans ce contexte qu'Il y a lieu de repenser impérativement le fonctionnement du système économique et politique international, et notamment les politiques de complaisance de l'Occident vis-à-vis de ces dictatures qui menacent la sécurité mondiale. Cela implique plus de moralité de la part des dirigeants de l'Occident, car s'il y a des corrompus, il y a des corrupteurs - surtout pour l'octroi de marchés. Cependant, il ne faut pas être utopique: l'Etat de droit ne recoupe pas forcément le concept de démocratie à l'occidental comme nous l'ont montré les expériences historiques (voir l'expérience de la Corée du Sud).. En effet, la démocratisation ne se faisant pas par un coup de baguette magique, cela demandera du temps, comme cela a été le cas en Occident et en certains pays d'Asie et d'Amérique latine.
La démocratisation avancera en fonction des rapports de force tant aux niveaux internes (conservateurs/réformateurs) qu'international. Les institutions démocratiques tenant compte des anthropologies des sociétés comme l'a montré brillamment l'économiste indien prix Nobel déconomie Amartya Kumar SEN, réaliseront à terme, la symbiose citoyens/État dans le cadre d'une société plus participative et plus humanisée. Souvent appelé «bonne gouvernance et Etat de Droit», sans morale et institutions crédibles, qui doivent tenir compte de la morphologie culturelle et de l'historie spécifique à chaque société, posant forcément la problématique de l'indépendance de la justice, de la lutte contre la corruption il ne peut y avoir de développement et c'est une loi universelle qui s applique à tous les pays. En résumé, pour l'Algérie, les réformes institutionnelles et micro-économiques doivent s'inscrire dans le cadre d'une stratégie clairement définie tenant compte de la transformation du monde, ne pouvant provenir que de l'intérieur portées par de nouvelles forces sociales réformistes qui déplaceront des segments de pouvoir d'où des résistances fortes des tenants de la rente. Le Forum euro méditerranéen des instituts des sciences économiques (Femise), a publié il y a quelques années un rapport d'une brûlante actualité en ce mois d'octobre 2018 citant l'Algérie: «Malgré l'optimisme des pouvoirs publics alimenté par l'euphorie du cours du pétrole, l'Algérie n'a pas encore trouvé de modèle de croissance susceptible de réduire les inégalités, le chômage et la pauvreté. Ainsi, l'Algérie a deux choix: faire des efforts pour réformer ses institutions et l'économie vers plus de démocratie et de transparence, ou régresser vers une attitude protectionniste.» Et là on en revient toujours à la morale, (la vertu du travail intimement liée à l'Etat de droit et à la démocratisation de la société, surtout des responsables qui doivent donner l'exemple s'ils veulent mobiliser leur population et dépasser l'entropie actuelle et permettre au pays un développement en fonction de ses potentialités, et elles sont énormes.»

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