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Hommage au moudjahid Lakhdar Bouregaâ

Le marathonien de la révolution

L’Algérie n’aura enfanté qu’un seul Lakhdar Bouregaâ, comme elle n’a enfanté qu’un seul Abane, un Ben M’hidi, un Didouche, un Amirouche, un Krim, une Hassiba Ben Bouali.

Triste épisode dans cette révolution populaire pacifique. L’incarcération du moudjahid, Lakhdar Bouregaâ restera comme un point noir. Il n’est pas normal de voir l’emprisonnement de l’un des fils les plus valeureux de l’Algérie contemporaine, en sa qualité d’un des derniers symboles vivants de la révolution et de la lutte anticolonialiste : le moudjahid et commandant de l’ALN Lakhdar Bouregaâ. Dans sa globalité historique et en filigrane de son combat libérateur du joug colonial, l’Algérie n’aura enfanté qu’un seul Lakhdar Bouregaâ, comme elle n’a enfanté qu’un seul Abane, un Ben M’hidi, un Didouche, un Amirouche, un Krim, une Hassiba Ben Bouali… ou un Boudiaf, pour ne citer que ces quelques cas. Cependant, tous, chacun en son genre, ont été façonnés dans la même pâte historique du terroir et dans le même moule, qui n’est autre que celui qui a mené l’Algérie à son indépendance. Toutefois, comme en témoignent les faits et évènements historiques, la plupart d’entre eux auront été soit exécutés physiquement pendant et après la guerre d’indépendance par leurs propres soi-disant «frères» de combat, comme Abane en 1957 et Boudiaf en 1992, soit marginalisés à outrance par bannissement et emprisonnement, comme c’est le cas aujourd’hui du moudjahid de la première heure Lakhdar Bouregaâ, qui plus est, à l’âge de plus de 86 ans !

Bouregaâ reprend le chemin de sa cellule
Qu’en est-il donc devenu de l’Indépendance et de ses idéaux ? Comment donc les Algériens, toutes générations confondues, vont-ils oser regarder dans les yeux l’un des derniers héros de la révolution armée de leur libération du joug colonial. Car du haut de ses 86 ans d’existence en tant qu’Algérien pur et dur, de lutte armée et de résistance politique, Si Lakhdar Bouregaâ est toujours là. Et plus que jamais présent, même en prison ! Un témoignage vivant d’une épopée algérienne qui n’a pas encore livré tous ses secrets de bravoure et d’abnégation, de l’une des plus belles pages de l’Histoire pour la liberté et l’émancipation des peuples à travers le monde.Un passage de flambeau que ce marathonien de la Révolution algérienne, Lakhdar Bouregaâ, a pourtant su mener à bon port et tout naturellement. Fait-il à ce point peur aux nouveaux décideurs de l’Algérie au point de se sentir contraints de le mettre sous les verrous ? Apparemment, oui ! Ceux qui incarnent la nuit, ceux qui ne veulent pas d’une Algérie qui brillerait de mille feux, ont eu peur du soleil. Celui que portait Lakhdar Bouregaâ au front. Le pouvoir ne s’est , à l’évidence, pas émancipé de ses vieux démons. Le commandant Lakhdar Bouregaâ a été interpellé chez lui samedi dernier par les services de sécurité. Cela s’est passé à 14 heures. Il n’a même pas eu le temps de prendre ses médicaments ou de laisser un mot à sa famille. Agé de 86 ans, il est un pur patriote, un authentique, il n’est pas un politique ou un ambitieux, c’est un désintéressé, il s’agit juste d’un Novembriste (en référence à la guerre de Libération nationale du 1er Novembre 1954), d’un antisystème confirmé, depuis l’indépendance à ce jour.
L’ancien chef de la révolution s’est fait embarquer dans un véhicule de marque Renault Kangoo, aux vitres fumées. Bouregaâ reste une véritable boîte noire historique de l’Algérie toujours indignée. Il met le pouvoir mal à l’aise car il transporte en lui et hurle une vérité que ce régime ne saurait voir. Toutes ces vérités qui dérangent sont réunies en un seul homme. L’intimidation, la répression et les assassinats politiques ont toujours été les armes favorites de ce système mafieux. Si Lakhdar Bouregaâ a maintes fois rappelé les horreurs de ce pouvoir qui n’a jamais changé sa ligne de conduite depuis 1962. Par cette arrestation, le pouvoir vient de prouver que ce « baroudeur » de la première heure a toujours dit vrai. L’acte a soulevé un tollé général au sein de la société, de la famille révolutionnaire, de la presse et dans les réseaux sociaux.

Dites au ministre : «prenez soin de vous et de votre place»
Le peuple algérien n’a pas accepté cette nouvelle provocation et s’insurge contre cette atteinte à la « mémoire historique» représentée par Lakhdar Bouregaâ, qui continue d’être malmenée 58 ans après son indépendance. Après une nuit en tôle, l’un des chefs de la révolution algérienne, membre de la résistance au coup d’Etat contre le Gpra aux côtés de Krim Belkacem, de Mohamed Boudiaf, du chef de la Wilaya 3 historique, Mohand Oulhadj et de Hocine Ait Ahmed, sera entendu par un procureur de la République puis jeté à la « prison d’El-Harrach ».
Ironie de l’histoire ? Quelle fumisterie !

Le commandant qui ne s’incline jamais
Faire l’homme ou la femme, c’est bien mais qu’en est-il de la suite ? Une confidence : Ali Benflis atteste qu’alors qu’il était procureur près le tribunal de Batna, au cours des années 1971 et 1972, Lakhdar Bouregaâ, qui dépassait déjà la quarantaine, se trouvait dans les geôles de la fameuse maison d’arrêt de «Lambèse». Une commission du ministre de la Justice Boualem Benhamouda avait été dépêchée à «Lambèse», dans le cadre de l’amnistie générale accordée par le président Boumediene aux détenus pour délits ou crimes liés à la révolution, dans le cadre de réglement de comptes entre patriotes et collaborateurs. Lakhdar Bouregaâ n’était cependant pas concerné par ladite amnistie. Mais le ministre de la Justice Benhamouda, voulait faire de son mieux pour venir en aide à Lakhdar Bouregaâ, qui croupissait dans les geôles de Lambèse, comme un vulgaire criminel.« Je me souviens, c’était au cours du mois du mai 1971, après une dizaine de jours pour distinguer les personnes potentielles à l’amnistie revendiquée par Boumediene, l’envoyé spécial de Benhamouda m’informa qu’il y a à Lambèse un certain Lakhdar Bouregaâ, le commandant de la Wilaya 4, et qu’il avait un message du ministre de la Justice à lui transmettre. Comme la prison de Lambèse, qui comptait, si je me souviens bien, 1 800 détenus, une prison qui relève de mes prérogatives, j’appelle le directeur et je lui demande de chercher le détenu, qui se trouvait d’ailleurs à l’infirmerie, il avait un problème d’estomac. On a rencontré Si Bouregaâ dans le bureau du directeur de la prison. Le messager du ministre de la Justice lui avait alors déclaré, j’étais témoin : «Si Benhamouda m’a chargé d’un message à vous remettre, je ne peux rien faire pour vous sortir de la prison mais je peux vous assurer un quotidien digne. Si Lakhdar avait répondu au messager en ces termes : «Dites à Si Benhamouda, Si Lakhdar va bien, laissez-le, occupez-vous et entretenez votre place et le rôle qui vous a été attribué», témoigne Ali Benflis. Bouregaâ est l’une des victimes des sévices physiques infligés par le système de l’armée des frontières connu communément sous l’appellation de «clan d’Oujda », à l’origine de la confiscation de l’indépendance. Il était accusé d’atteinte à la sécurité de l’Etat, de comploter contre le président Boumediene avec Krim Belkacem et de tentative de coup d’Etat avec Tahar Zbiri.

Qui juge qui ?
Au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, il y a de cela 58 ans, des crimes abjects et humiliants ont été commis contre quiconque était soupçonné d’opposant au régime ou même de simple sympathisant de l’opposition. Les chefs historiques tombaient, l’un après l’autre, et qui ne s’en souvient pas ? «J’ai été accusé d’appartenir au mouvement de Krim Belkacem et de participation dans un projet visant l’a sassinat de Boumediene. Durant mon interrogatoire, on m’avait dit : ‘’Des informations nous sont parvenues selon lesquelles tu as planifié l’assassinat du président Boumediene’’», confiait Lakhdar Bouregaâ. C’est avec beaucoup de douleur qu’il raconte ce qu’il avait eu à subir durant son incarcération : «J’ai été frappé par des tortionnaires qui utilisaient des bâtons et me piétinaient pendant que j’étais maintenu allongé. J’ai subi la gégène, appliquée sur les parties les plus sensibles. J’étais aspergé d’eau usée et infecte, on me balançait des seaux entiers sur le corps. La torture variait selon les tortionnaires. Quand je me sentais défaillir ou que je m’évanouissais, ils arrêtaient les sévices, pour revenir à la charge aussitôt que je reprenais conscience.» Il s’agit là de révélations accablantes qui renseignent sur le degré d’atrocité dont était capable le régime de Boumediene. La torture a été pratiquée sur plusieurs hommes vaillants et honnêtes, à l’instar d’un chef révolutionnaire de la trempe de Lakhdar Bouregaâ, juste pour avoir manifesté quelque sympathie envers Krim Belkacem. Les tortionnaires de Bouregaâ étaient dépourvus de toute humanité et ne manifestaient aucun égard à son passé révolutionnaire. « Ils ne pourront jamais être liés d’une manière ou d’une autre aux enfants de la Révolution. Ils regardaient les séquelles des blessures que j’avais subies pendant la guerre de libération quand, les poitrines nues, nous combattions ce que je pensais être l’ennemi de l’Algérie, le seul… Ils regardaient bien la cicatrice, sur ma peau, puis insensiblement éteignaient dessus leurs cigarettes. Ils le faisaient d’un geste détaché, tout en parlant d’autre chose. L’un d’eux y appliquait un morceau de fer chauffé à blanc et demandait avec ironie, à ses compagnons : ‘’S’agit-il d’une vraie blessure ou d’une morsure de chien ?’’», révèle avec amertume Bouregaâ.
Que se passe-t-il ? La malédiction frappe-t-elle encore à nos portes ? Le système né des putschs a-t-il réussi à mettre sur pied un système carcéral digne des pires dictatures et des horribles tortionnaires comme Bigeard et Aussaresses ? Lakhdar Bouregaâ n’est pas un inconnu des geôles de la dictature militaire, née au lendemain de l’indépendance. Lakhdar Bouregaâ en a connu l’expérience : «J’ai passé près d’une année dans l’obscurité la plus totale. Je ne quittais une cellule que pour me rendre dans une autre. Je ne reçus aucune visite. Personne ne m’a appelé par mon nom pendant toute cette période. J’avais perdu tout contact avec l’humanité, à l’exception des gardiens de la prison, si on peut encore parler d’humanité en ce qui les concerne.»

La torture atroce
Il se rappelle : «Mes tortionnaires n’avaient aucun respect pour les révolutionnaires qui ont libéré ce pays. L’un d’eux parle à ses collègues et dit : ‘’Ce moudjahid pouvait-il réellement faire face aux mitrailleuses et à l’aviation française ? On va voir aujourd’hui s’il est vraiment aussi courageux’’. Et il enfonçait sauvagement ses ongles dans la blessure. Quand mes geôliers se sont rendu compte que ces méthodes ne donnaient pas de résultat, ils ont opté pour d’autres. Ils me suspendaient au plafond par les poignets, à l’aide d’une chaîne, et me laissaient dans cette position pendant plusieurs heures, jusqu’à sentir que mes articulations étaient sur le point de rompre.»
Pis encore, Lakhdar Bouregaâ témoigne : «Vous imaginez un peu ? Quand on m’a transféré d’une cellule à une autre, l’un des gardiens m’avait appris que nous étions à la veille du 1er novembre et Boumediene, le président, avait accordé une amnistie aux prisonniers et que moi j’ai eu droit à un changement de cellule !», se souvient encore Bouregaâ. Et de poursuivre : «Après cette épopée, je me retrouvais prisonnier dans un sous-sol, à côté d’une fosse septique, assiégé par les rats, à la veille du 1er Novembre ! Est-ce là le destin de ceux qui ont aimé leur pays ? J’avais envie de pleurer devant toutes ces injustices, cette persécution, qui me réduisait au rang d’infrahumain.» La dictature avait systématisé la torture contre toute forme d’opposition à son régime militaire.

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