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IL Y A 20 ANS, ABDELHAK BENHAMOUDA ÉTAIT ASSASSINÉ

Le dernier coup de hache

Il arrive souvent à Madjid Sidi Saïd, le secrétaire général de l'Ugta, d'évoquer les moments qu'il avait passés aux côtés de celui qui était aux manettes de la Centrale syndicale algérienne dans une période où la République était, comme le prédisaient ses détracteurs, à l'article de sa mort. Abdelhak Benhamouda était, il est vrai, un leader syndical d'une exceptionnelle envergure. Son successeur d'aujourd'hui, Sidi Saïd, en parle quelquefois à son cercle d'intimes, pour livrer les derniers secrets de leur combat commun, le trémolo plein la voix.
Pour le taquiner souvent à cause de son arabe approximatif, Benhamouda l'apostrophait dans les réunions d'une salle enfumée, à vous couper le souffle, du secrétariat de l'exécutif par ces mots «Et toi le coopérant technique, qu'as-tu à dire?».
Vingt ans après son assassinat, on est tenté de dire que ce grand syndicaliste a laissé un désert derrière lui, difficile à combler.
Benhamouda était un visionnaire, un leader et un guerrier à la fois. Sur tous ces registres, il intervenait avec brio. Et beaucoup de convictions. Il avait l'Algérie au coeur.
Il était le syndicaliste venu pour tracer un profond sillon dans l'Histoire du mouvement ouvrier algérien et semer les graines d'une émancipation nouvelle pour les milliers de travailleurs algériens dont les têtes résonnaient encore des mots d'ordre de combat du temps de Aïssat Idir.
Rien que dans le Maghreb d'aujourd'hui, et à travers ses générations d'après-guerre, les élites associent volontiers son nom à celui qui créa l'Ugta, Aïssat Idir ou à Ferhat Hached, leader syndicaliste tunisien assassiné par la Main rouge à l'époque où Bourguiba guerroyait pour arracher l'indépendance à son pays. Benhamouda était de leur trempe.
Ils sont encore de ce monde, ces syndicalistes, ses compagnons de combat, qui se rappellent bien de ses positions avant-gardistes, de ses discours mobilisateurs marqués par sa voix de stentor, moteur de cette formidable symbiose entre l'orateur et son peuple.
Son assassinat ressemble étrangement à une exécution. Mais maintenant, vingt ans après la tragédie, il demeure toujours et encore dans les tablettes de l'Histoire de l'Algérie, comme un assassinat à l'encre noire. Vingt ans après, l'élite de ce pays a le droit et le devoir de s'employer à faire toute la lumière sur les vraies conditions de son assassinat à un moment où la République était alors sur le point d'être mise en terre par les mêmes fossoyeurs qui ont creusé la tombe de Abdelhak Benhamouda. Dans le grand désordre algérien que fut la décennie noire, bien d'étranges actes avaient été prémédités dans le but criminel d'imploser l'Algérie. Dans ce pays dévasté par la haine des années 90 face aux coups de boutoir du terrorisme ambiant, l'Ugta de Abdelhak Benhamouda, elle, n'avait le choix que de développer le vrai syndrome insurrectionnel où la marque de fabrique de ce leader syndical était d'engager une telle puissance de feu pour réduire le terrorisme. Pour ses détracteurs, le Roi Benhamouda trônait désormais sur l'Ugta en guignant le palais d'El Mouradia avec dans sa poche son projet de créer un parti politique capable de provoquer la mutation dont le pays avait tant besoin.
Dans ce qu'était alors le pouvoir, frappé de sclérose et perclus de rhumatisme, l'entrée dans le «marché politique» d'un parti rassembleur, attendu et souhaité par les Algériens, signifiait en clair la fin des privilèges pour une classe politique déchue, promise à la casse, avec son paquet de ministres promis à la vindicte publique.
Auprès de ses camarades, si ce syndicaliste chevronné exerçait une vraie puissance chimique, c'est parce que tout simplement son secret ressemblait à celui de tant d'autres leaders syndicaux qui ont habité son siècle et qui fascinaient les foules par la vérité de leurs discours. Il jouissait dans tous ses mouvements d'une déconcertante popularité. Dans cette agitation foutraque d'une République en mal de repères, voilà la dernière prière d'un chef de guerre marchant à la tête de ses troupes pour donner l'assaut à cette citadelle faussement inexpugnable d'une République déchirée pour en asseoir une autre en phase avec la réalité du pays.
En ces temps-là, Alger continuait à respirer le doux parfum des conspirations pendant que les couteaux s'aiguisaient déjà dans l'ombre et que les Brutus se préparaient à commettre l'irréparable.
Le 28 janvier 1997, Abdelhak Benhamouda, secrétaire général de l'Ugta, dévalait pour la dernière fois les marches de son bureau du troisième étage pour rejoindre son véhicule stationné dans le parking. Comme dans les films de série noire, ses assassins l'attendaient, tapis dans l'ombre.
Ainsi, et encore une fois, on répètera que c'est toujours le dernier coup de hache qui fait tomber l'arbre...

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