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Idris Khoudja El Hadj, directeur de la santé, à L'Expression

«L'autoconfinement est la clé du succès»

L'Expression: Quelle est la situation actuelle de la pandémie à Béjaïa
Idris Khoudja El Hadj: La situation est inquiétante à plus d'un titre. Jusque-là nous réussissons tant bien que mal à soigner, à suivre et à investiguer tous nos malades. Ces derniers temps, nous sommes confrontés à un risque qui peut impacter toute notre stratégie, notamment la fatigue du personnel de la santé publique dans toute sa composante. Engagés depuis 4 mois dans la lutte, nos efforts se sont soldés par une baisse de la contamination jusqu'au 31 mai, mais en juin nous avons connu une flambée qui a démarré de Kherrata pour se propager partout alors que durant la deuxième quinzaine de mai les hôpitaux étaient presque vides. À Kherrata il n'y avait alors que deux malades. On était en voie de crier victoire et on pensait même nous redéployer vers d'autres activités mises en veille au profit du Covid-19, notamment les programmes opératoires en direction de certaines pathologies. Une semaine après la fête de l'Aïd, période où le relâchement a été constaté par le non-respect des gestes barrières et la distanciation sociale ajouté aux impératifs de déconfinement économique, sociologique et sociétal, beaucoups d'activité ont été autorisées à reprendre, on se préparait à un déconfinement bien géré, mais il fallait respecter les gestes barrières. Chose qui ne s'est pas produite et cela relève de la responsabilité collective car on ne peut pas mettre derrière chaque citoyen un gendarme ou un policer. On ne peut réussir que dans le cadre d'une discipline librement consentie.

Ne serait-ce pas un problème de communication qui a mené les citoyens à ce laisser-aller?
À mon sens tout le monde est devenu professionnel en matière de Covid-19. Ce n'est donc pas un manque de communication, mais trop de communication avec des informations contre-productives, qui dynamitaient toute notre stratégie de lutte. Beaucoup de gens ont exprimé le déni total de cette maladie et c'est gravissime concernant une pandémie mondiale, qui a mis à genoux des pays plus outillés que nous. Notre système de santé a, malgré toutes ses insuffisances, montré sa réactivité et sa force de pénétration parce qu'on arrivait à enquêter presque sur tous les cas et à infléchir la courbe localement. On n'a pas enregistré une flambée exponentielle durant les premières semaines comme cela été le cas de par le monde. C'est peut-être ça qui nous a grisés un peu. Là on assiste à une spoliation du corps médical de sa victoire amplement méritée. Nous assistons aujourd'hui à une flambée massive qui peut nous dépasser et dépasser nos capacités, même si pour le moment ce n'est pas le cas.

En matière de chiffres qu'en est-il réellement?
J'en profite pour rappeler que nous avons été toujours ouverts à la communication en donnant les chiffres quotidiennement à travers la radio, mais nous avons décidé d'arrêter en raison des commentaires faits postériori, qui sont inacceptables à plus d'un titre. C'est loin d'être une quelconque instruction supérieure comme le supposent certains, mais un arrêt plus motivé par des commentaires malhonnêtes nihilistes, tirant et incriminant nos infirmiers, nos médecins et nos cadres, qui ont payé de leur vie. Un médecin et un agent de sécurité sont décédés et plus de 90 employés du secteur infectés et isolés dont certains ont repris du service après la guérison. Maintenant arriver à dire que les gens encaissent de l'argent, cela devient inssuportable

Quel serait votre appel à l'endroit de la population de Béjaïa?
Le risque est bien là. Aux uns et aux autres et ceux qui véhiculent l'inexistence de la maladie pourtant mondiale. Les infirmiers et les médecins, qui sont au front, sont vos frères qui sont à la limité du surmenage, mais ils sont encore là parce qu'ils savent que la population est derrière eux et les encouragent mais quand ils se voient accusés de tous les torts et de manière outrageuse, ils peuvent lâcher facilement. On se refusera à le faire, mais il faudrait que nos concitoyens comprennent que ces hommes et femmes qui sont au front ont besoin plus de leur soutien et leur réconfort pour continuer à aller de l'avant. Rien ne vaut la discipline librement consentie. Quand je me protège, je protège ma famille et quand s'est fait collectivement on peut réussir. Le mode de contamination actuel est communautaire. Ce ne sont pas des clusters professionnels qu'on a pu maîtriser à temps. Face à un virus aussi dangereux, le moyen ultime c'est le vaccin, qui ne sera pas disponible de sitôt, il peut être
remplacé par les gestes barrières et l'autoconfinement. La première victoire que nous avons réussie contre le Covid-19 est en train d'être spoliée en raison des comportements irresponsables de nous tous car c'est une responsabilité collective, unique moyen de sortir de cette crise

Comment envisagez-vous l'avenir immédiat, notamment en cette période de saison estivale?
La saison estivale n'est pas ouverte et elle ne le sera pas de sitôt tant que la pandémie est là et tant que nous ne l'avons pas cassée avec l'enregistrement de zéro cas pendant au moins 15 jours. C'est là qu'on pourra espérer passer à une autre phase, mais toujours en maintenant les gestes barrières car une deuxième vague est toujours possible comme on l'a vue dans d'autres pays comme la Chine. Notre stratégie locale est de sensibiliser et mobiliser les troupes et être réactif à certaines actions comme nous l'avons fait en réquisitionnant le château de la contesse et l'auberge à Aokas et Kherrata où les hôpitaux sont de moindre capacité. Nous avons 24 hôteliers qui se sont solidarisés. J'invite certains à ne pas interférer dans des terrains qu'ils ne connaissent pas. Je les invite à venir vérifier par eux-mêmes. Des gens qui ont été dans un déni total, sont tombés malades et nous les avons soignés. La population doit songer à préserver ses troupes, cette armée en blouses blanches qui est au front. Nous ne jouons pas avec la vie des gens, de grâce. La frange d'âge la plus touchée, est celle des jeunes entre 20 et 40 ans, qui bougent trop mais les gens qui décèdent sont ceux âgés de plus de 60 ans et les malades. Ces gens sont en train de transmettre la maladie à leurs aînés, qui paient le prix.

Au sein de l'opinion on note un certain empressement pour un retour à la vie normale?
Les gens qui sont pressés de renouer avec la vie normale doivent savoir que si on continue avec ce comportement, on ne pourra qu'allonger la durée de la pandémie, mais si collectivement on s'organise, on se mobilise et on s'autoconfine tous et s'interpelle les uns et les autres en toute responsabilité, en transcendant les problèmes personnels on peut rapidement en sortir, mais avec une discipline stricte et librement consentie de tout un chacun on peut passer à autre chose au bout d'un mois au maximum. Autrement, cela va se perpétuer de semaine en semaine et on ne pourra pas s'en sortir.

Concernant les structures hospitalières de la wilaya, la situation est-elle supportable?
Nous avons connu la saturation à Kherrata et on s'est projeté sur des structures palliatives pour ne pas impacter les autres services. À Béjaïa-ville on est presque à la limite, tout un étage est dédié au Covid-19, mais ce n'est pas sans prix car on est en train de différer certains soins et cela ne pardonne pas. Le gros risque c'est la saturation du personnel. Nous sommes en période de congé et tout un chacun espère partir. En temps normal déjà la gestion des congés était difficile, qu'en serait-il alors que la pandémie ne cesse de progresser.

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