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Débat sur le gaz de schiste

L’éducation est la vraie richesse de la nation

« L’ignorance plonge non seulement les peuples dans la mollesse, les dégrade, et les avilit, mais éteint en eux jusqu’au sentiment de l’humanité …» Claude A. Helvétius. De l’Homme et de ses facultés intellectuelles et de son éducation. Vol. 4, 1774, p.1.

Malika REBAI MAAMRI

Aborder la question de l’éducation est une tâche très complexe du fait de la diversité de ses déclinaisons et, à l’évidence, de l’incompréhension fréquente qu’elle a pu susciter dans le débat public. Pourtant, aujourd’hui elle doit être posée en tant qu’élément constitutif et indissociable du projet d’avenir de notre société car l’éducation de nos enfants et leur accès à l’autonomie sont des enjeux prioritaires, permettant d’offrir à tous, les conditions nécessaires à une émancipation intellectuelle et sociale et la capacité d’expression citoyenne. En Algérie, l’influence des théories du « capital humain » a été considérable sur le consensus en faveur de la politique d’expansion des systèmes éducatifs menée depuis l’indépendance, mais le pays reste confronté à un bouleversement total. L’école algérienne a atteint l’apogée de la dangerosité.

L’Algérie et le sous-développement
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est opportun d’évoquer la contribution de l’économiste britannique, Thomas Robert Malthus, à l’analyse des problèmes spécifiques aux pays sous-développés ou en voie de développement, les pays « attardés » comme on les appelait du temps de Malthus. Bien que Malthus ait explicitement reconnu que certains pays ne peuvent guère supporter une population plus nombreuse que celle qui s’y y trouve, la principale question à résoudre est la suivante: pourquoi de nombreux pays, potentiellement riches, ne se développent- ils pas, alors que d’autres, relativement mal dotés en ressources naturelles, parviennent à un degré comparativement élevé de richesse? Malthus s’est longuement attaché à élucider cette question. L’idée Malthusienne est donc que l’abondance de ressources naturelles aisément exploitables dans les pays dits attardées exerce un impact non seulement sur la quantité, mais aussi sur la qualité des efforts productifs fournis. En particulier, des conditions faciles de production ralentissent la cadence du travail et une relative stagnation technique alors qu’au contraire des conditions de production difficiles engendrent des cadences plus élevées en même temps qu’elles incitent les producteurs à s’appliquer au travail et à déployer de nombreuses ressources d’ingéniosité et d’habileté techniques.
La situation de sous-développement s’applique à l’Algérie
Parmi les causes susceptibles d’expliquer les différences de richesses et de progrès entre les nations, nous signalerons: la brutalité et la rapacité de gouvernements tyranniques, la corruption et la manipulation du pouvoir par les élites dans le but de promouvoir leurs intérêts particuliers; l’inadéquation des lois et l’absence de libertés civiles et politiques; l’absence d’esprit de prévision, mais surtout le faible niveau d’éducation des masses. Essayons maintenant de savoir dans quelle mesure la problématique malthusienne du sous-développement s’applique à l’Algérie.
Dans une société comme la nôtre, la préoccupation pour l’avenir qu’à la myriade d’agents économiques a toujours été coordonnée par la fixation d’une unique variable, les hydrocarbures, alors que l’éducation du peuple, sous toutes ses formes, est l’épine dorsale du pays. Face à la crise engendrée par la chute vertigineuse des prix du pétrole en 2014, l’Algérie est en quête de nouvelles ressources à exploiter. La question que nous devons poser est: la possession de ressources naturelles est-elle vraiment un privilège ? Je répondrais par la négative. Si les gisements de pétrole ont été la principale rente du pays pendant des décennies, l’éducation reste « le gisement de richesses » inépuisable du pays, pour reprendre un peu l’expression d’André Michel, coordonnateur national du Programme collectif pour le développement de l’éducation et du dialogue social en Haïti. L’éducation contribue de façon importante à la production des richesses matérielles.

Le vrai capital, c’est l’homme lui-même
Dans un monde en pleine évolution et ébullition, la production de connaissances est le principal facteur de l’évolution économique et sociale. En plus d’être un instrument de transmission de valeurs d’une société, l’éducation est également le socle du développement durable du pays. Le facteur essentiel de la croissance n’est pas le capital, mais l’homme lui-même. Par conséquent, aucun changement n’entraînerait un accroissement plus rapide de la richesse nationale, qu’une amélioration du système éducatif. Un investissement dans l’éducation serait donc un « investissement national » et devrait mobiliser, à la fois, les efforts de l’Etat et de tout le peuple. En effet, pour qu’une nation existe, il faut un consentement des citoyens sur un ensemble de valeurs communes, le dépassement des horizons régionaux ou ethniques, la conscience d’appartenir à une communauté et à une seule, et la volonté de maintenir cette communauté. Ici encore, l’éducation joue un rôle prépondérant sur le plan de la transmission de la culture nationale. Ainsi, l’éducation, à la fois et dans le même temps, conserve et change, valorise le passé et construit l’avenir.
La condition première qui contribue à l’édification d’une société algérienne stable et équilibrée c’est avant tout la formation de ses hommes. L’éducation permet l’évolution de la nation. Pour sortir de l’obscurité, les progrès requièrent une volonté politique, un engagement continu de tous et surtout des compétences. De même que la mission de l’école n’est pas uniquement de former des travailleurs, mais avant tout celle de former des citoyens et des citoyennes responsables, aptes à relever les défis et à porter haut le flambeau d’une Algérie digne et prospère. Pour ce faire, l’école doit leur donner les outils qui leur permettront de développer leur culture générale, leur capacité d’analyse, leur esprit critique, leur volonté d’apprendre, d’échanger et de s’investir dans des projets individuels et collectifs. Les parents ne peuvent être ignorés dans ce processus. Comme le dit Montesquieu « chaque famille particulière doit être gouvernée sur le plan de la grande famille qu’est la nation».
« L’être humain lui-même, je ne le classe pas dans les richesses. Il est la fin pour laquelle la richesse existe. Mais ses capacités acquises, qui n’existent que comme moyen et qui ont été formées par le travail, tombent, à juste titre, dans cette catégorie » (Adam Smith). Stuart Mill ajoute « le but de toute formation intellectuelle pour la masse du peuple doit être de cultiver le sens commun, et les rendre capables de former un jugement pratique et sain sur les circonstances qui les entourent…Le bien-être à venir des classes laborieuses dépendra surtout de leur culture intellectuelle. » J’ajouterai que le travail fait plus qu’engendrer la pensée, il crée l’homme lui-même et la société.

Malaise ou crise profonde ?
Depuis des décennies, les catastrophes au niveau scolaire chez nous ne viennent pas de ce qu’on ne sait pas : on sait, mais on ne veut pas; ou parce qu’on ne veut pas, on ne veut pas savoir. On parle de malaise, je parlerai de crise profonde car cet état permanent de désordre est révélateur de la segmentation de la société, désormais divisée.
Le type de ‘pédagogie’ adopté en Algérie, une pédagogie d’aliénation mentale, a fini par trahir les principes qu’elle prétend défendre en dévalorisant le savoir, en tuant l’esprit critique et l’émulation intellectuelle. Cette même pédagogie s’emploie aussi, bien sûr, à ce qu’on oublie que l’école d’aujourd’hui est celle des déformateurs, et que ce sont justement ces derniers qui ont conduit au désastre actuel. Le savoir a été vidé de sa substance devenant ainsi un service comme un autre. Peu importe si les élèves ne savent pas lire, s’ils ne maîtrisent pas les bases de l’écriture ! Peu importe si nos futurs docteurs ne maîtrisent aucune langue ; peu importe s’ils plagient! Peu importe s’ils apprennent par cœur ! Peu importe s’ils sont absents pratiquement toute l’année, ils ne sont pas pénalisés ! Faites passer en classe supérieure ! Et voici comment sont établies les statistiques! L’école réformée, ou plus exactement déformée, est devenue celle des imbéciles heureux.
L’appauvrissement programmé des contenus scolaires se cache derrière les fameuses phrases « nous allégeons les programmes», « nous changeons les canevas » et ce, il faut le souligner avec des modules qui n’ont souvent rien à voir avec les spécialités. C’est ainsi que l’on a abouti au règne de la médiocrité. Et c’est cette même médiocrité qui a conduit aujourd’hui à une dévalorisation totale du statut de l’enseignant à tous les niveaux. Le prestige de la profession est bien loin. A titre d’exemple, un professeur des universités, le plus haut grade dans l’enseignement universitaire, qui a cumulé plus de 15 ans d’expérience perçoit l’équivalent de 800 euros par mois. à noter que la dernière revalorisation des salaires des enseignants universitaires date de 2007!
S’ajoute à tous ces malheurs le financement des interventions dans des conférences internationales car certains établissements rejettent les demandes de congés scientifiques ou tout simplement décalent la réunion du conseil scientifique qui doit statuer. Les congés sabbatiques sont gelés depuis 2016 ! Et les séjours de perfectionnement sont attribués pratiquement chaque année aux mêmes enseignants, qui pour la plupart utilisent les deniers de l’Etat pour des séjours touristiques obligeant encore l’enseignant chercheur à puiser dans ses revenus personnels pour avancer dans ses recherches.

Un salaire de misère pour l’enseignant
Certains chefs d’établissements universitaires ont contribué non pas à l’évolution de l’éducation mais à sa destruction. Pour reprendre ce que j’ai déjà écrit dans mon article intitulé « la chute abyssale de l’université, » publié par le quotidien L’Expression en 2012, les enseignants sont confrontés à l’abus de pouvoir des responsables de l’enseignement supérieur. Certains enseignants sont marginalisés seulement parce qu’ils osent réclamer leur droits. Certains directeurs d’établissement supérieur et leurs adjoints instaurent un climat que je qualifierai d’anti-intellectualisme et d’intolérance qui limite, à la fois l’autonomie des étudiants, et celle des enseignants. Face à ces « garrison commanders », l’enseignant-chercheur est devenu un simple agent d’exécution.
Pour me résumer, c’est l’incompétence qui a conduit à la baisse vertigineuse du niveau intellectuel dans notre pays. Loin de moi l’idée de donner des leçons mais notre but ultime est de re « penser », voire de re « panser » le système éducatif afin d’améliorer les compétences de l’école algérienne. Une telle perspective doit être perçue non seulement comme un défi, mais un devoir. Préparer la jeunesse algérienne à relever un tel défi constitue une mission exaltante pour tous ceux qui sont en rapport de près ou de loin avec l’enseignement aujourd’hui.

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