Une vague d’émotion à travers le monde

Manu Dibango, saxophoniste et légende de l'afro-jazz, est décédé, mardi 24 mars, des suites de Covid-19 à 86 ans, a indiqué mardi à l'AFP Thierry Durepaire, gérant des éditions musicales de l'artiste camerounais. Les obsèques de l'interprète de «Soul Makossa» devaient se tenir dans l'intimité familiale. Compte tenu de l'actualité dramatique qui secoue le pays, l'hommage rendu à l'artiste Manu Dibango, devra attendre la fin du confinement. «Manu c'est un artiste, mais c'est aussi une personnalité panafricaine. Les hommages sont en train d'arriver du monde entier, on reçoit des messages de chefs d'Etat, de grands artistes... Quand le moment sera venu, on organisera l'hommage qu'il mérite», a expliqué sa manageuse et nièce Claire Diboa à Paris Match. Cette dernière a fait savoir aussi que Manu Dibamgo, avait été hospitalisé dans un établissement de banlieue parisienne pour «une autre pathologie». «Il est parti en ambulance aux urgences le 17 février pour se faire soigner, mais il a attrapé le Covid pendant sa convalescence à l'hôpital.»

Soul Makossa
L'auteur d'un des plus grands tubes planétaires de la musique world, «Soul Makossa» (1972), est la première célébrité mondiale à décéder des suites d'une contamination au coronavirus. «Il est décédé au petit matin, dans un hôpital de la région parisienne», a indiqué Durepaire à l'AFP. «Les obsèques devaient avoir lieu dans la stricte intimité familiale, et un hommage lui sera rendu ultérieurement dès que possible», peut-on lire sur la page Facebook de l'artiste, tenue par son entourage. C'est via un communiqué posté tôt mardi que la famille de Manu Dibango a annoncé la mort de l'artiste: «Chers parents, chers amis, chers fans. Une voix s'élève au lointain... C'est avec une profonde tristesse que nous vous annonçons la disparition de Manu Dibango, notre Papy Groove, survenue le
24 mars 2020 à l'âge de 86 ans, des suites du Covid-19. Les obsèques auront lieu dans la stricte intimité familiale et un hommage lui sera rendu ultérieurement dès que possible. Si vous le souhaitez, vous pouvez adresser vos condoléances à: [email protected]». C'est grâce au morceau «Soul Makossa», qui l'a fait connaître en suivant un drôle de destin. En 1972, il l'avait composé en fait comme hymne pour la coupe d'Afrique de football. Un morceau qui figurait à la face B d'un 45 tours. Repéré par des DJ new-yorkais, le titre a connu mille vies. Manu Dibango avait même accusé Michael Jackson de plagiat sur un morceau de l'album «Thriller». Un accord financier avait finalement été trouvé. Ce morceau des plus connus est bien sûr Wanna Be Startin Somethin où l'on entend bien vers la fin du titre le fameux chorus «Makossa». «Soul Makossa» s'est écoulé en fait à 50 000 exemplaires en France et fera exploser la notoriété de Manu Dibango. Nouveau coup de théâtre en 2009: la chanteuse Rihanna sample à son tour le «Soul Makossa» de Manu Dibango pour son titre «Don't Stop The Music».

Night in Zeralda
Pour rappel, Manu Dibango était venu la première fois en Algérie dans les années 1970. Il tombera amoureux de la station balnéaire de Zéralda. De cet amour naquit le superbe morceau «Jazzy Night in Zéralda», sorti en 1972. Le «vieux lion» comme le surnommaient affectueusement les gens est mort donc ce lundi après avoir contracté le virus du coronavirus la semaine dernière.
Infatigable du haut de ses 60 ans de carrière, l'artiste n'arrêtait pas de sillonner le monde et les festivals dont le Fespam, le festival de musique de Brazzaville, à Montréal pour les 30 ans du festival Nuits d'Afrique, à l'Unesco... Sa dernière tournée en date, Manu Dibango se produisait avec le Soul Makossa Gang et un orchestre symphonique, donnant ainsi la pleine mesure à son surnom qui sied à merveille à celui de «Papagroove». Pour célébrer ses soixante ans de carrière l'année dernière, le saxophoniste avait conçu un nouveau projet intitulé «Safari symphonique». Il avait présenté ce show juillet 2019 au festival Jazz à Vienne. Il regroupait l'Orchestre national de Lyon, deux artistes, la Brésilienne Flavia Coelho et l'Ivoirienne Manou Gallo. En octobre dernier, c'est dans la salle parisienne mythique du Grand Rex, que cette fois il s'était produit.

Réactions en chaîne
L'annonce de son décès a fait multiplier les réactions du milieu artistique. En effet ce sont des milliers de messages d'anonymes, personnalités, artistes ou politiques qui ont afflué sur les réseaux sociaux ou les médias. Beaucoup d'artistes du continent africain n'ont pas caché leur émotion quant à la perte de cet immense musicien connu par son saxophoniste. Le milieu de la musique, mais pas seulement, est en deuil aujourd'hui. «Oh non pas toi manu dibango. Je n'ai pas les mots pour traduire toute ma tristesse. Tu as été un grand frère, une fierté pour le Cameroun et pour l'Afrique toute entière», a réagi le chanteur Youssou Ndour sur Twitter. Et la chanteuse Angélique Kidjo de Twitter également: «Tu as toujours été là pour moi depuis mes débuts à Paris, jusqu'à ces répétitions il y a deux mois. Tu es le géant de la musique africaine et un être humain magnifique.» Yves Bigot, le P-DG de TV5 Monde et ex-producteur de Manu Dibango, a indiqué à propos de son «grand frère»: «Il m'a tellement appris sur la vie, la musique et les hommes. C'était un immense musicien et un être humain incroyablement généreux.». Dans un communiqué, Jean-Louis Guilhaumon, le directeur du festival Jazz in Marciac, confie à propos d'une fameuse soirée l'an dernier: «Il était dans une forme éblouissante, il avait donné une soirée d'une grande tonicité, d'une grande générosité. (...) Il avait envie, besoin de partager sa musique et il était le chantre infatigable de cette musique à la faveur du rapprochement des peuples et des êtres humains.» Pour sa part, le chanteur Yannick Noah sur BFMTV:
«Il a joué avec tous les grands jazzmen du monde. C'était un ambassadeur de la musique africaine. Une de ses grandes motivations, c'était de rassembler les gens avec sa musique. C'était un guide pour nous tous.» et d'ajouter: «Il avait un grand charisme. Au-delà de son talent, c'était quelqu'un de très simple, très abordable, il traitait tous les gens de la même manière.» La scène du rap français elle aussi s'est montrée touchée sur les réseaux sociaux.

Le milieu du rap ému aussi
Le rap game français a d'ailleurs répondu présent parmi la pluie d'hommages rendus au musicien sur les réseaux sociaux. Niska a remercié Manu Dibango de «nous avoir inspiré». Le groupe 4Keus pour sa part, s'est dit «heureux d'avoir eu la chance de [le] rencontrer et d'avoir pu [lui] rendre hommage de [son] vivant», quand Rim'K a publié un «Manu Dibango» assorti d'un coeur rouge. Toujours sur BFMTV, la chaîne Bfmtv, l'auteur et compositeur André Manoukian a salué la mémoire de Manu Dibango, en le qualifiant de «papa de tous les musiciens», ajoutant que l'artiste saxophoniste «avait toujours une longueur d'avance sur les autres». Sur Facebook, le bassiste français qui s'est produit à maintes reprises en Algérie s'est dit «en état de choc.». Et de souligner «disparition du maître Grand Tonton Manu Dibango...j'ai commencé la musique avec lui, un riche enseignement...et encore très récemment en concert avec lui... un ROC... tu ne seras JAMAIS oublié...bon voyage chez les Anges de la musique qui entendront ton immense rire et profiteront de ta belle Histoire... RIP Manu». Emmanuel N'Djoké Dibango, dit Manu Dibango, est né à Douala, au Cameroun le 12 décembre 1933. Ses parents sont originaires d'ethnies différentes: son père est yabassi et sa mère douala. Sa famille est de confession protestante et sa mère dirige la chorale du temple. De son mariage avec sa femme Marie-Josée dite «Coco», mannequin puis photographe, le saxophoniste a deux fils, Michel, James (artiste et musicien connu sous le nom de James BKS) et deux filles, Marva et Georgia.