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La Vie en Livres : Benyoucef Benkhedda / Abane-Ben M’hidi,leur apport à la Révolution algérienne

Quand Benkhedda répond aux détracteurs d’Abane Ramdane

S’il y a un homme, un moudjahid de la meilleure eau, cette eau pure dont sont faits les héros, qui a autorité pour parler de Abane Ramdane, c’est bien son ex-compagnon du CCE, Benyoucef Benkhedda. C’est ainsi qu’ulcéré par les attaques d’Ali Kafi, ex-chef de la Wilaya II historique, contre Abane, il s’était fait fort de lui répondre dans le journal La Tribune du 18/0881999 avant d’éditer un livre en 2000 « Abane-Ben M’hidi, leur apport à la Révolution algérienne », (Editions Dahlab).
On ne tire pas sur un mort
Deux ans plus tard, dans ses mémoires « Ali Kafi : du militant politique au dirigeant militaire (Editions Casbah), Kafi remettra ça en réitérant ses attaques contre Abane et même Ben M’hidi qu’il accuse de l’avoir mené en bateau en l’envoyant récupérer des armes qui n’ont jamais été parachutées, tout cela, selon lui, pour l’éloigner de son chef Zighoud Youcef. Mais quelle blessure intime a causé Abane à Kafi pour que celui-ci le poursuive d’une haine tenace, allant jusqu’à le traiter de traître ! Il nous apporte les clés dans son ouvrage sus-cité. Il ne lui pardonne pas le congrès de la Soummam qui a dépossédé les colonels de leur statut de seigneurs de guerre qui avaient droit de vie et de mort sur leurs troupes avec le fameux principe de la primauté du politique sur le militaire. Il lui reproche aussi pêle-mêle d’avoir coopté Ferhat Abbas qui est pour lui « rejeté du point de vue militant et révolutionnaire », ainsi que les Centralistes Benyoucef Benkhedda et Saad Dahlab. Ce n’est pas tout. Il lui en veut également de vouloir négocier dans le dos des maquisards, d’avoir fourni les armes aux chefs qui lui faisaient allégeance et de priver les autres qui renâclaient. Calomnie que tout ça, balayée par l’historien Mohamed Harbi dans son ouvrage de référence « Le FLN : documents et histoire » où il raconte dans le détail et avec preuves à l’appui, combien Abane s’est démené pour fournir des armes aux maquis et combien il s’était battu pour donner la primauté de l’intérieur, maquis compris, sur l’extérieur. Le cocasse est que Kafi, si jaloux de son identité de maquisard, finira à Tunis, dès 1959, dans la délégation extérieure. Entre-temps, Abane Ramdane a été assassiné par les colonels, dont l’un d’eux, Bentobbal, était le chef de Kafi. Tout ceci pour dire quoi ? Ceci : Abane, par son charisme, par sa culture politique, par son bagage et sa vision d’une direction civile du mouvement révolutionnaire ne pouvait que blesser ceux qui n’avaient comme seul argument que la force des armes.
Mais revenons à Benyoucef Benkhedda dont le témoignage à décharge est autrement plus convaincant et argumenté que celui de Kafi et de sa mouvance qui a fait des petits révisionnistes, tout petits, tellement petits…Il a connu Abane au lycée Ibn Rochd de Blida (ex-collège colonial) dans les années 30. C’est là où Abane obtiendra son bac. Qui fera de lui l’un des rares chefs de la Révolution bachelier. Puis ils militeront ensemble au PPA-MTLD dans les années 40. Par la suite, Abane sera chef de la wilaya de Sétif avant d’être à la tête de la wilaya d’Annaba, puis enfin membre du Comité central en 1950. Benkhedda a ajouté qu’il luttera à côté de lui, au CCE, l’instance dirigeante de la Révolution, pendant près d’une année et demie au cours de La bataille d’Alger. A ce titre, « Je me devais de relever cette accusation et de dire la Vérité sur ce combattant, qui s’est dépensé corps et âme pour l’indépendance de l’Algérie et qui demeure le symbole de l’unité nationale durant la Guerre de libération. » Elle dit tout cette dernière phrase dans la bouche d’un homme, d’un compagnon, d’un pharmacien, d’un militant qui a bravé tous les dangers. Elle résume Abane le martyr.
Continuons à cheminer avec Benkhedda : « Comme tous les grands personnages de l’histoire, Abane a eu ses détracteurs ; qualifié par eux tantôt de «régionaliste» hostile à «l’arabo-islamisme», tantôt d’ «autoritariste», voilà qu’on va aujourd’hui lui accoler l’imputation infamante d’agent de l’ennemi », donc de « traître ». Avant de répondre, Benkhedda précise que Abane sera prisonnier pendant 5 ans. Il en sortira avec un grave ulcère à l’estomac. Mais aussi avec la volonté de se lancer au plus vite dans le fleuve tumultueux de la Révolution. Benkhedda poursuit en soulignant que Abane qui reçut la visite de Krim Belkacem et Amar Ouamrane, deux futurs bourreaux, fut choqué par l’extrême faiblesse des moyens de la Révolution et l’insuffisance de l’encadrement. « Malgré leur courage à toute épreuve et leur mépris de la mort, les maquisards, du fait de l’illettrisme et l’analphabétisme qui sévissaient dans leurs rangs, traînaient un sérieux handicap. » Qu’à cela ne tienne.
Abane est un rassembleur
Abane se lance dans la Révolution comme on se lance dans une mer déchaînée. Krim et Ouamrane lui confient la responsabilité d’Alger-Ville. Pour vaincre un ennemi plus puissant, il faut de la matière grise. Il rassemble alors dans FLN-ALN toutes les compétences algériennes à la seule condition qu’elles soient patriotes. Il ouvre grandes les portes : « Aux centralistes et aux éléments de l’UDMA et de l’Association des oulémas dont certains seront désignés par le congrès de la Soummam au sein du CNRA. » Abane est un rassembleur comme tout chef qui se respecte. Cette position n’est pas partagée par tout le monde. Benkhedda précise que certains membres de la délégation extérieure du FLN reprochent au CCE la présence de Benkhedda et Dahlab, deux centralistes. Drôle de reproche à l’endroit de ces deux éléments cooptés par le congrès de la Soummam qui comprenait, outre Abane et Ben M’hidi, la majorité des chefs du maquis. Preuve en est que l’option d’ouverture d’Abane était porteuse, les deux éléments en question finiront, l’un comme président du GPRA et l’autre comme ministre des Affaires étrangères. En fait, le reproche s’adressait exclusivement à Abane dont la montée en puissance au sein du FLN donnait des cauchemars à des chefs dont les appétits de pouvoir étaient connus. A leur tête Ben Bella, Belkacem et Boussouf. Benkhedda, pour enlever tout doute sur le militantisme d’Abane, répond point par point à ses détracteurs. Sur la question de son prétendu « régionalisme », Benkhedda met les points sur les « I » avec une colère à peine contenue qu’on sent à travers les mots.
Abane n’était ni régionaliste ni absolutiste
« Abane et les Congressistes de la Soummam dans une lettre adressée à la fédération de France du FLN en pleine guerre –en août 1956- ont sévèrement condamné les éléments «berbéristes, Messalistes» et autres contre-révolutionnaires qui continuent leur travail de sape et de division au sein de l’émigration algérienne. » Benkhedda ajoutera que « bien que francophone de formation, Abane a toujours soutenu et défendu le principe de l’identité algérienne de culture arabo-islamique ». Mais il n’y a pas que son prétendu « régionalisme » qui posait problème à ses détracteurs, il y aussi ce qu’ils appellent son « absolutisme ». Benkhedda, qui avait du caractère s’insurge : « Parmi ceux qui ont exercé des responsabilités au cours de la guerre de libération, qui peut se vanter d’avoir été «coulant», «démocrate», « compréhensif », et de n’avoir jamais pris de décision « autoritariste » ? «Les événements imposent souvent d’en prendre dans le feu de l’action et Abane en prenait parfois. » Il ajoute ceci de très important pour montrer la parfaite harmonie qui existait entre les cinq membres du CCE (Benkhedda, Dahlab, Ben M’hidi, Abane et Belkacem) : « Lorsque nous étions à Alger, nul protocole n’existait entre nous, membres du CCE. Nous étions logés à la même enseigne. Aucun n’avait le pas sur l’autre. (…) Mais il y avait comme une entente tacite, une espèce d’unanimité à faire confiance à Abane et à lui reconnaître le leadership parce qu’il était un homme de décision, un animateur et un coordonnateur hors pair. » Et pour mieux être compris, il soulignera qu’à aucun moment les membres du CCE qui étaient très soudés, n’ont remarqué chez lui la moindre « graine de tyran » « même si sa franchise cinglante désarçonnait parfois ». On doit à la vérité de dire que ce qu’appelle Benkhedda franchise déroutante, se transforme en Tunisie avec les colonels, qui n’ont pas le même niveau intellectuel que les membres du CCE d’Alger, en paroles blessantes et méprisantes. C’est ainsi que Krim est traité d’« aghyoul » (âne) alors que Boussouf a droit au qualificatif de « cervelle d’oiseau ». Les outrances verbales d’Abane étaient telles que Ferhat Abbas, Ben Bella et d’autres les mettaient sur le compte de son ulcère et de son goître. Abane était admiré et jalousé pour son intelligence et sa culture politique, mais détesté pour sa langue, capable du pire comme du meilleur. Dahlab lui-même reconnaîtra dans son ouvrage, « Mission accomplie » que lors de la formation du deuxième CCE qui les exclura lui et Benkhedda, affaiblissant ainsi leur allié Abane, celui-ci, irrité par leur passivité, les traita de tous les noms d’oiseaux et déversa sur eux sa colère. Précisons tout de même qu’au CCE d’Alger, Belkacem faisait déjà tache. Militaire, maquisard, il se retrouvait face à quatre civils d’une grande culture politique avec beaucoup d’affinités : Abane, Benkhedda et Dahlab étaient condisciples au collège colonial de Blida. Quant à Ben M’hidi, autodidacte cultivé, il était en symbiose parfaite avec les idées d’Abane. 

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