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La vie en livres : Bernadette Chirac sur son mari, l’ex-président Chirac

«Pour mes parents, c’était comme s’il était né sur un tas de fumier!»

Jean-Luc Barré connaît son Chirac sur le bout des doigts si tant est qu’on puisse connaître l’ex-président français dont la faconde et l’amabilité cachent un homme très secret. Dans «Ici, c’est Chirac », celui qui fut son « confesseur » et son porte-plume pour les deux parties de son autobiographie, nous livre des confidences étonnantes, sinon grinçantes sur les rapports entre Jacques Chirac et son épouse Bernadette. On ne dirait pas un couple, mais deux ennemis intimes soudés jusqu’à la mort.

«J’aurais pu devenir reine»

Mais d’abord pourquoi ces deux-là si dissemblables se sont-ils mariés ? Mariage d’amour ou de convenance ? Plutôt convenance, même si Chirac ne le dit pas ouvertement. Pour preuve, dès le lendemain des noces, Chirac prend le chemin de l’Algérie pour passer son service militaire. Il avouera plus tard que ce fut l’une des plus belles périodes de sa vie. Evidemment que la mariée prit très mal « la fuite » de son mari, le fringant et beau Jacques qui cumulait déjà les conquêtes. Il « empile les femmes comme des dossiers », dit-elle de lui. Elle a souffert de ses infidélités, cruellement souffert, comme elle l’avoue à l’auteur. Pour se venger, elle le dénigre. « Elle se venge », répète-t-on dans ce Tout-Paris qui l’entend, le venin aux lèvres, dénigrer son mari à longueur de dîners, et s’empresse de colporter les méchancetés qu’elle débite sur lui.
Ayant une très haute idée de ses origines aristocratiques, elle confie désabusée à Barré : « Ne vous faites pas d’illusions, me lance-t-elle d’un ton sans réplique, j’aurais pu faire un bien meilleur mariage. Je ne manquais pas, croyez-le, de soupirants plus fortunés et plus titrés que lui, qui n’avait rien du tout en réalité. Si je l’avais voulu, il m’aurait été facile d’épouser un fils de grande famille et même, pourquoi pas, un prince héritier…J’aurais pu devenir reine ! »
Elle enfonce le clou en précisant la consternation de ses parents quand elle leur a présenté Chirac. Cruelle, elle ajoutera : « Jacques ne possédait à leurs yeux aucune des qualités requises pour m’é pouser, ne serait-ce qu’en raison de ses origines et du milieu dont il était issu, jugés plutôt quelconques…Pour eux, c’était comme s’il était né sur un tas de fumier ! ». L’expérimenté biographe est sidéré. Il a rarement vu autant de vacheries et de méchancetés concentrées dans un bout de femme. Il précise qu’« elle ne cherche pas à corriger cette dernière formule dont la cruauté a l’air, tout au contraire, de l’enchanter.
C’est le genre de trouvailles, perfides à souhait, qu’elle propage volontiers au sujet de son mari, une manière pour elle de marquer ce qui les distingue et n’aurait jamais dû les rapprocher. » L’Apollon qu’elle avait épousé aurait fini sa carrière dans une obscure fonction de bureaucrate, on aurait compris la hargne et le ressentiment de l’épouse guindée et fière de son sang bleu, on l’aurait même plainte, genre la princesse et le soudard, mais trouver matière à médire et à snober alors que cet énarque, cet homme qui aurait pu épouser la plus belle fille du monde est devenu président de la République, la plus prestigieuse fonction qui soit, là on s’interroge. Et on comprend qu’elle ne lui a pas pardonné ses humiliantes infidélités.
Méprisante, dure, persifleuse, la Bernadette, l’admirateur de Chirac pourrait s’écrier, à bon droit, qu’elle déteste son mari au point de souhaiter sa mort pour se libérer de cet homme vieilli, malade qui a toujours besoin d’une épaule pour se soutenir. Eh bien, non ! Elle l’aime comme au premier jour, selon Barré, elle l’aime au point de lui confier, désemparée, désarmée : « Ce n’est pas commode tous les jours de partager la vie d’un guerrier tombé de cheval. Mais je préfère ne pas imaginer le jour où il ne sera plus là… » Ce jour est arrivé le 26 septembre dernier. Et c’est vrai que Bernadette est très mal en point. Morte de chagrin, selon la presse. Pas morte tout court. Le verbe mourir, comme aimer, se suffisent à eux-mêmes. Qu’on ajoute une épithète et les voilà vidés de leur sens premier. Affaiblis pour tout dire.

Quand la fille bouscule le père

Même sa fille Claude n’est pas toujours à son avantage dans ce livre de souvenirs et de confidences. En effet, l’auteur raconte qu’une sorte de comité de lecture a été installé pour relire-censurer ?- les propos du président.
A sa tête, en tout bien tout honneur, sa fille Claude, sa communicante, épouse de son ex-secrétaire général de l’Elysée, Salat-Baroux. Si surprenant que cela puisse paraître, à l’instigation de Claude, le président ne fait pas partie du comité. « Tu vas nous empêcher de travailler, ne reste pas là ! » L’auteur est stupéfait. Il s’attend à une réplique de l’auguste père. Mais rien. Quelques minutes plus tard, celui-ci entrouvre la porte pour voir si tout se passe bien. Réaction intempestive de sa fille : « Nous sommes en train de travailler, tu ne vois pas que tu nous perturbes ? » Commentaire de Jean-Luc Barré : « Indigné au fond de moi par ce qui vient de se passer, je constate que je suis le seul à en paraître étonné.» Et pourtant, on dit que le père et la fille forment un couple fusionnel. Sans doute est-ce la vérité. Il faut juste reconnaître que cet amour s’exprime parfois d’une drôle de façon.
L’auteur nous raconte la cruauté de l’épouse de Chirac même à l’endroit de ministres qui ne lui ont absolument rien fait. « Un jour, sur le point d’embarquer pour un déplacement officiel au Japon en compagnie de plusieurs membres du gouvernement, elle glisse à Philippe Douste-Blazy, d’une voix persifleuse, le regard lourd de commisération : « Qui sait, monsieur le ministre, si vous serez encore à l’arrivée ! ». Et de se délecter de l’état de transe dans lequel elle a plongé sa victime du jour en lançant, goguenarde, à l’un de ses collègues, sitôt parvenus à destination : « Je crois qu’il a passé un mauvais voyage. » Plus cruelle que ça…
En passant, le biographe nous révèle les citations préférées de Jacques Chirac en précisant que chacune de ces citations l’accompagne de longue date, comme autant d’éléments propres à inspirer secrètement ses manières de vivre, d’être et d’agir. Voici les citations et voici que transparaissent comme par les interstices d’une fenêtre, quelques rayons lumineux de la personnalité du président :
« Qui ne se souvient pas de son pays natal, ne pourra jamais devenir un homme » (proverbe vietnamien).
« Je pare avec ma main, tu écoutes avec tes yeux » (Shitao).
« L’œuvre d’art est l’expression extérieure d’une nécessité intérieure » (Kandinski).
« Nous n’apprenons rien en lisant, nous devenons quelque chose » (Goethe).
-Ce n’est pas assez de faire des pas qui doivent un jour conduire au but, chaque pas doit être lui-même un but en même temps qu’il nous porte en avant » (Goethe, in Conversations avec Eckrrmann).
C’est de cette dernière citation que sera tiré le titre du premier tome de ses mémoires : « Chaque pas doit être un but. »
L’auteur raconte la grande solitude de Chirac et son besoin d’échapper à la surveillance exercée (et admise par lui) de sa famille. « Si tu n’as rien d’autre à faire, on pourrait aller acheter une pizza qu’on irait manger chez moi, me propose-t-il. Sinon, je vais me retrouver seul avec « bourrique ». Bourrique étant le surnom dont il affublait son épouse. Témoignage poignant sur un président que les Français ont plus aimé retraité qu’au pouvoir. Sans illusion sur la trace qu’il allait laisser dans l’histoire, il restera pourtant, malgré lui peut-être, grâce à quelques actes qui ont forcé les portes de la postérité.
Tel le refus de participer à la guerre en Irak en avertissant les Nations unies sur ses conséquences humaines, économiques et historiques.
Il n’a pas été entendu par Bush. Mais il a été entendu par ceux qui défendaient la paix et la justice. En un mot, l’histoire avec un grand H.

Ici, c’est Chirac. Jean-Luc Barré Editions Fayard

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