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143, rue du désert en compétition au Fica

«La rose de sable» déchue…

Malika entre le vide et le plein, la spontanéité candide et la mélancolie est à elle seule tout un puits sans fin d’humanité, elle est filmée avec tendresse par Hassan Ferhani.

La terre est ronde et c’est l’homme qui la rend plate, pourrions-nous nous dire en songeant à la vanité des hommes. Voilà pourquoi certains tentent de s’extraire du cadre, quitte à voler de leurs propres ailes mais ailleurs que dans ce monde de brutes…Une idée saugrenue qui nous vient à l’esprit en sortant de la salle Ibn Zeydoun, samedi soir. « Je dédie ce film à des personnes qui auraient pu être là parmi nous, les détenus d’opinion... ». Ainsi s’est exprimé le réalisateur Hassan Ferhani venu présenter, samedi soir, au festival international du cinéma d’Alger dédié au film engagé, son dernier film documentaire 143, rue du désert, un documentaire présenté en compétition. Hassan Ferhani était accompagné de sa productrice, Narimane Mari, mais aussi de la protagoniste principale du film, une femme « courage » appelé Malika. D’une durée de 100mn, ce film raconte l’histoire de Malika, gérante d’un modeste restaurant sur la route du désert, aux fins fonds du Sahara algérien, où viennent se ravitailler routiers, aventuriers et autres voyageurs. D’emblée, le film s’ouvre sur un long plan fixe qui dure longtemps. Un no mans’ land et puis au milieu on aperçoit au loin, cette petite maisonnete à l’allure d’une cabane où vit et travaille Malika. Tout au long du film, on reconnaît le dispositif cinématographique si cher à Hassan Ferhani, auquel il nous a habitués depuis son film, réalisé en 2016, Fi rassi rond-point (Dans ma tête un rond-point). Les plans sont minutieusement étudiés. Le cadre flirte avec la grâce esthétique. Le réalisateur se plaît à filmer Malika souvent en entier, tant elle impose au niveau de la caméra. Tantôt de face ou en la mettant côte à côte avec d’autres personnes comme une sorte de duel. Qui a raison ou tort? Quand la porte est ouverte, le champ nous donne à voir quand même un mur noir. Si Malika se repose dans le désert, sa vie n’a pas été de tout repos. C’est ce que ce film traduit avec pudeur. D’ailleurs, Malika elle-même n’avouera qu’à demi-mot ce qu’il lui est arrivé. Native de Constantine, elle se serait enfuie pour trouver refuge dans le désert de Meniâ. Elle fut victime de rumeurs et chassée de chez elle. Proie facile pour les « loups », Malika a dû se débrouiller seule et recommencer sa vie à zéro loin de ses proches, en ayant comme seule amie et confident un chien et une chatte appelée « Mimi » qu’elle chérit comme sa fille. De temps en temps, des routiers passent chez elle boire ou se ravitailler. Parmi eux des Subsahariens... Nous faisons connaissance tout au long du film de ces personnes qui, en faisant halte chez Malika, « tapent » la discussion avec elle, tentant de percer tantôt son secret ou l’aidant parfois à prendre une décision ; restera-t-elle ? ou ne restera pas-t-elle dans ce coin perdu ? Toutefois, une station vient d’être construite juste à côté tout comme un resto, lui raflant le peu de clients qui venaient chez elle. Malika tombe aussi malade et prend conscience de sa solitude extrême, si ce n’est les âmes charitables qui lui viennent en aide. Malgré toute cette violence existentielle dont elle fait l’objet, épousant la nature dehors, souvent changeante, Malika n’abdique pas. Sa spontanéité et son rire franc jurent avec ce décor hostile et ce vent qui vient par moments balayer ses souvenirs amers ou contraire la rappeler à l’ordre…Le réalisateur fait confronter également Malika à l’auteur du livre dont le film est inspiré, intitulé « La Nationale Une ». Une autre personne, acteur de surcroît, vient pour sa part nous brouiller les pistes avec le réel. Si la mise en scène s’en ressent dans certains passages du film, le réalisateur avouera, lors du débat, assumer complètement sa démarche stylistique. Une façon de diriger ses « personnages » tout en restant fidèle à leur « improvisation ». Cela étant dit, la force de ce documentaire réside bien évidement dans la richesse du portait fait de Malika, dans sa ténacité à ne rien lâcher et sa témérité. Une femme qui a tout perdu mais qui possède le plus important, la foi dans la vie. Résister tout comme ce routier qui observera dans le film que la vie est devenue très dure pour lui arguant que son métier ne fait plus rentrer de l’argent, en l’apparentant à du « sérum » de quoi survivre et ne pas «clamecer»! Hassan Ferhani pose un regard tendre sur cette femme à la forte corpulence. Un corps qui impose le respect au-delà de sa marginalisation assumée. Une vie entrecoupée de sérénité, mais d’angoisse aussi, que suscite le désert. Car ce dernier vous révèle souvent ses démons sans que l’on y prenne garde. Beaucoup en effet deviennent fous en se regardant un jour en face en plein milieu du désert. Malika considère sa maison comme une zaouïa. Hassan Ferhani filme d’ailleurs sa maison, lors d’une séquence frénétique en tournant par trois fois, comme pour nous suggérer l’esprit des danseurs derviches. Un rythme qui s’accélère d’un coup. Un côté mystique rock qui fait sortir le documentaire de sa longue léthargie contemplative et nous invite à prendre un second souffle, celui de Malika qui se cherche encore et n’en finit pas de renaître.. Même si elle finit par goûter, par moments au désespoir…Hassan Ferhani ne nous refait-il pas, là encore, le coup de Fi rassi un rond-point ? Bref, sorti en août dernier, 143, rue du désert a reçu depuis, de nombreuses récompenses, notamment en Egypte et en Corée du Sud. il n’a pas fini de larguer tous ses secrets et c’est tant mieux. Il n’en est pas à la fin de ses road trip en festivals. Toujours en cavale, ses routes de cinéma sont encore longues et sans doute remplies encore de prix. C’est tout le mal qu’on lui souhaite !

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