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Zak Kedzi, réalisateur de Chroniques Algériennes, à l’Expression

«Je cherche des réponses à travers mon cinéma»

Une première du genre! L'avant-première de Chroniques algériennes de Zak Kedzi aura lieu non pas dans une salle obscure mais le 25 septembre prochain sur YouTube!

Le jeune homme a aujourd'hui 33 ans. Il a grandi en France, né de parents algériens. L'année dernière, il décide de retourner en Algérie pour filmer l'effervescence du Hirak et découvrir, ainsi, son pays d'origine. Rien à voir avec les reportages manichéens et péremptoires des chaînes télés françaises, ce film aussi bien délicat et tendre comme l'est le regard porté par Zak Kedzi sur les gens qu'il filme, est rempli d'humanisme et d'émotion. Une esthétique à la fois nonchalante et poétique, qui rend compte avant tout d'un intérêt aussi bien complexe et intime sur le bouleversement qui s'opère dans son pays... Un film éminemment mélancolique certes, mais ô combien bienveillant sur l'Algérie et les Algériens, que l'on vous conseille vivement de regarder!

L'Expression: Dans votre film documentaire, Chroniques algériennes votre quête identitaire du retour semble se confondre avec le Hirak qui tend à faire retrouver aux Algériens leur dignité spoliée, quand, d'autres pourraient, notamment chercher leurs racines dans leur rapport filial... Pourquoi ce choix?
Zak Kedzi: Depuis deux ans déjà je travaille sur l'écriture d'un film documentaire Chaâbi, à travers lequel je tente de résoudre une quête identitaire. Les événements politiques qui ont eu lieu en Algérie ont tout bouleversé. Durant l'été 2019, ce Hirak, je l'ai perçu comme un appel. L'Algérie en finale de la coupe d'Afrique, c'était une évidence: j'ai mis de côté l'écriture et je suis allé sur place avec une petite équipe. Au début je partais simplement en repérage pour Chaâbi, mais j'ai été saisi par les événements. Je vivais de l'intérieur un nouveau récit sans forcément le conceptualiser en tant que film, ce n'était plus Chaâbi, c'était un autre film: Chroniques algériennes prenait forme.

Il y a beaucoup de mélancolie dans votre film qui se clôt avec votre errance nocturne, sur une note d'inachevé, la voix de votre soeur notamment, qui évoque dans une sorte de complainte en langue arabe la figure d'une «forte femme». Est-ce une façon de rendre hommage aux femmes algériennes qui ont participé à ce Hirak, mais dont le destin ne leur sourit pas beaucoup?
Chroniques algériennes s'est écrit au gré de mes rencontres. J'ai été porté par les différents personnages qui croisaient mon chemin. Et pour être honnête, je n'ai pas cherché à rendre hommage à la femme algérienne, ça s'est fait naturellement. J'ai simplement capté cette force qui émanait de ces visages féminins: la femme algérienne est forte. Pareil pour ma soeur, elle s'est imposée d'elle-même dans le film, sa voix et son énergie ont donné à Chroniques algériennes une dimension plus familiale et donc plus personnelle. Ma soeur m'a accompagné, elle m'a aidé à faire ce film, je lui dois beaucoup.

Les femmes semblent être un autre sujet qui vous questionne dans votre film puisque vous vous y attardez par moment, grâce à votre caméra qui filme de près les visages féminins... Il y a la femme, mais aussi les jeunes d'une façon générale...
Que ce soit en fiction ou en documentaire, je filme toujours les visages de près. C'est mon instinct qui me pousse à travailler ainsi avec ma caméra. Je cherche une sorte de vérité au plus près du corps. En Algérie une grande partie de la jeunesse est abandonnée à son sort, mais malgré tout elle est inventive, elle s'organise et continue de se battre. Pour ce qui est des femmes et de leur lutte, ça nous concerne tous, même en Occident on a encore du chemin à faire. Mais ne soyons pas hypocrites, la question des femmes dans la société algérienne ne peut pas être abordée à travers un prisme occidental. Je pense qu'il faut simplement faire confiance aux femmes algériennes, elles sont assez fortes pour définir elles-mêmes ce qu'elles veulent. Il faut surtout savoir les écouter.

Dans votre film, il y a aussi l'effervescence de la coupe d'Afrique, magnifiquement bien rendue, l'idée de l'indépendance confisquée, notamment et les affres du terrorisme... Est-ce une façon de sonder aussi l'opinion de la société plurielle ?
L'Algérie a connu plusieurs maux, entre la décolonisation et la décennie noire, elle a été spoliée de deux victoires. C'est le peuple qui a chassé le colon français, et c'est encore une fois le peuple qui a lutté et surpassé le terrorisme des années quatre-0vingt-dix. Filmer et mettre au centre de mon film cette victoire de la coupe d'Afrique c'est, d'une certaine manière, affirmer avec eux une victoire longtemps mise en attente.

Et puis, il y a la Casbah délabrée et la musique chaâbie. Un certain désordre structurel et mental sur lequel vous tentez de fixer des images pour y trouver un certain apaisement... Est-ce exact?
La Casbah délabrée qui ouvre le film, c'est cette Algérie abîmée, la musique chaâbi omniprésente dans le récit c'est la nostalgie d'une enfance perdue. Les deux liées créent un poème, une déclaration d'amour pour un pays que l'on rêve tous plus grand, plus beau et surtout plus apaisé.

Un an après, quel est donc votre sentiment sur le Hirak et pensez-vous avoir trouvé des réponses à vos interrogations?
Non, je n'ai pas encore trouvé toutes les réponses que je cherchais. Chaâbi, mon prochain film me permettra peut-être d'aller au bout de ma quête personnelle. Pour ce qui est du Hirak, l'Algérie est grande et le mouvement a traversé tout le pays. Chaâbi est un roadmovie documentaire qui traverse plusieurs villes algériennes, peut-être que suite à ce film j'aurai un regard plus précis sur ce qui se passe dans mon pays d'origine. Je me trompe peut-être, mais pour moi, le Hirak c'est une lutte à travers laquelle le peuple s'oppose à la corruption et tente de se réapproprier son pouvoir politique. Avant la crise sanitaire et le confinement, ces luttes faisaient vibrer plusieurs pays dans le monde, Chili, Liban, Hongkong, Irak... En France aussi, avec les gilets jaunes, dans les quartiers, je pense notamment au combat d'Assa Traoré. À mon sens, toutes ces luttes sont liées par une seule et même idée: ce n'est pas un président ou une élite déconnectée de la réalité sociale qui saura apporter une solution. À travers mon cinéma je cherche des réponses. Ici en France, j'en ai marre de voir nos politiques s'approprier cette grande question sur l'identité, ce n'est pas à eux de décider ce que je suis, je pense que je fais des films en partie pour ça.

Pourquoi avoir choisi YouTube pour diffuser votre film?
Le film sera diffusé en avant-première le vendredi 25 septembre prochain à 14h et à 22h (15h et 23h, heure française). La production particulière de Chroniques algériennes, la situation sanitaire actuelle, mais aussi mon désir de rendre ce film accessible rapidement aux Algériens, nous ont amenés, l'équipe et moi à prévoir une avant-première sur YouTube. Fin septembre, le film fera son Hirak sur Internet un vendredi du mois, accessible gratuitement pour tous. Ce choix est un risque pour le film, il peut potentiellement porter atteinte à la vie du long métrage en festivals ou même pour une exploitation en salles, mais c'est la décision qu'on a prise.

Que pensez-vous des platesformes de streaming?
Les plateformes de streaming sont la nouvelle manière de consommer du cinéma. Personnellement, je reste un fervent défenseur des salles obscures. Pour vraiment apprécier un film il faut aller le voir au cinéma. Mais bon, en période de confinement, le stream nous a quand même sauvés d'une vie sans films.

Et comment voyez-vous aussi le futur du cinéma par rapport à la relation artistes/ producteurs/ distribution puisque vous faites un raccourci pour aller directement vers les spectateurs?
Je ne veux plus jamais autoproduire et diffuser un long métrage sans distributeur! C'est épuisant. Aller au bout de Chroniques algériennes a été un véritable défi, j'ai dû faire de nombreux sacrifices et mettre de côté ma vie sociale. Mais il fallait que je réponde à l'urgence de la situation. J'ai eu la chance d'être bien accompagné et pour le moment personne n'a été payé sur ce film. Nous avons tout fait sans budget, du tournage jusqu'à la fin de la postproduction. Je remercie tous ceux qui ont cru en ce film, c'est grâce à eux qu'il existe aujourd'hui.

De Quoi j'me Mêle

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