{{ temperature }}° C / {{ description }}

Cité introuvable.

Ecorces, roman de Hajar Bali

Désaxiomatisons-nous!

Si le roman de Hajar Bali exhale un doux élixir de mélancolie, il y dilue une bonne dose de philosophie lucide pour pouvoir dire le «je» qui règne au milieu du «nous»..

Apres le recueil de pièces théâtrales, Rêve et vol d’oiseau (2009) et un recueil de nouvelles intitulé Trop tard sorti en 2014, l’auteure, Hajar Bali nous revient aux éditions Barzakh avec un premier roman des plus bouleversant, intitulé écorces. L’histoire est celle d’une saga familiale qui prend racine chez le jeune étudiant de 23 ans, Nour. Elle va déployer ses racines ou plutôt ses « écorces » et nous faire découvrir les membres de sa famille, montant jusqu’à la quatrième génération avant lui, représentée par son arrière-grand-mère maternelle, à savoir Baya qui étale sa tyrannie sur tout le monde. C’est ainsi que ce garçon va tenter de se libérer de ce gynécée, dont les femmes ont la complète emprise sur leurs maris respectifs. Ainsi, au fur et à mesure que l’histoire de ce livre avance, celle du pays avec un grand H est convoquée. Ainsi est dépeint le contexte dans lequel a évolué ce microcosme sociétal. En effet, l’aïeule fut tôt une jeune maman répudiée qui a dû voler son fils à la famille de son ex-mari en fuyant Constantine pour Sétif. Et pour enlever son fils Haroun, elle se met au service d’une famille de colons. Elle est vite rattrapée par les événements du 8 mai 1945 et, pour protéger son fils, elle va l’inscrire à l’école sous le prénom de Vincent.

Enfance dans la tourmente
A 20 ans, ce dernier est un valeureux moudjahid arrêté par la police pour son implication dans l’assassinat d’un maire. Baya mettra sept ans avant de le retrouver après maints sacrifices. Durant ce temps où elle n’abdiquera jamais, en étant sûre qu’elle retrouvera un jour son fils, elle lui choisira une épouse et même un métier de menuisier. à son retour, elle interdira de parler en public, prétextant que son fils est un héros de guerre après qu’on lui a coupé la langue. Une histoire inventée de toutes pièces. Plus de 20 ans après, Kamel, fils de Haroun, suit naturellement les traces de son père en reprenant l’atelier de menuiserie. Il tombera amoureux d’une femme, Mayssa, elle est plutôt moderne.. Leur histoire d’amour tournera court quand Baya va s’en mêler, arguant des mœurs légères de ce genre de femmes. Et Pourtant, de cet amour-là, va naître toute la clé de ce roman et la raison d’«être» et de «pouvoir» de Nour. Devenu adulte Nour, fera un jour connaissance d’une jeune fille appelée Mouna, une fille aux grands yeux bleus, bien mystérieuse et qui créera la panique à bord, le jour où Nour la présentera à sa famille.

Etre et pouvoir
Mouna raconte que sa mère a fini par mourir de chagrin. Son seul refuge était le piano, la musique classique. Le détachement de tout quand on sombre dans l’indifférence du monde, tout comme celle de Haroun ou Kamel qui se noiera dans la poésie. Si le roman de Hajar Bali exhale un doux élixir de mélancolie dû aux échecs répétés de ce qu’on appelle « les amours impossibles» ou ratés, elle y dilue une bonne dose de philosophie lucide qui incite à « désaxiomatiser la pensée » pour accéder au bonheur, pouvoir avancer. Voler plus haut. En gros, se débarrasser de ses propres chaînes, de ses murs d’obstacles, traditions ou normes que d’aucuns se fabriquent eux-mêmes, s y assujettissent les yeux fermés. Aussi, le roman de Hajar Bali interroge le langage des sentiments tout comme celui du raisonnement par le truchement des mathématique, elle qui fut à juste titre professeure dans ce domaine jusqu’à il y a deux ans.

Langage et émotion
Un domaine qu’elle connaît très bien et qu’elle a réussi à injecter dans ce récit littéraire qui évolue comme un puzzle touffu et complexe jusqu’au dénuement final où l’on arrive petit à petit à dénouer l’énigme qu’elle a réussi à monter en épingle avec brio. Un suspense qui s’efface au fur et à mesure que le personnage Nour ramasse ses indices et les compte comme le ferait le Petit Poucet devant ce gigantesque arbre qui posséderait une forêt de mondes... écorces interroge aussi le sentiment de reniement. L’amertume y est perceptible forcément . Il y a dans des familles bien des secrets qu’on ferait bien de taire. Hajar Bali a réussi à mettre le doigt sur ce qui blesse. Avec du bon souffle, un rythme, celui de ses mots généreux. De la sensibilité à fleur de peau. Parfois avec ce réalisme qui claque. Débusquer les mensonges, les non-dits. Dans écorces, Hajar Bali dépeint l’indicible et le secret en donnant à voir une pléiade de personnages féminins et masculins, ployés sous le poids du conservatisme. L’espoir est mis entre les mains de Nour (la lumière) pour tenter de briser le cercle de la malédiction ou de la fatalité qui pèse sur le destin de cette famille que la narratrice ne juge à un aucun moment, mais sans pour autant être entièrement tendre avec. Les mots de Hajar Bali disent les maux de ces femmes et hommes qui, souvent, se comportent par habitude. Ne dit-on pas que les schémas familiaux se répètent souvent ? Et ainsi se pose la notion du choix et du libre-arbitre dans une société à juste titre matriarcale (le cas présent). écorces se veut ainsi une plaidoirie pour plus de liberté et un pied de nez contre la fatalité du dogme et de certaines traditions qui, plutôt qu’elles éduquent, étouffent et dont il faudrait en extraire, quitte à couper la branche et se réconcilier avec soi-même ? Il est bon de noter que Écorces, paru en France aux éditions Belfond est retenu dans la première sélection du Prix de la Closerie des Lilas 2020. La seconde liste sera dévoilée le 25 mars.

De Quoi j'me Mêle

Placeholder

Découvrez toutes les anciennes éditions de votre journal préféré