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LUTTES D'UN PEUPLE, ÉMERGENCE D'UNE NATION PAR KAMEL BOUCHAMA

Notre passé est notre Livre d'Histoire

Dans la longue nuit des temps, l'histoire reste entière et silencieuse, sauf si l'on abandonne les platitudes de la vie et que, faisant fi de ses paillettes du quotidien - s'il en est -, on rêve en s'inclinant devant la loi de l'Histoire, sans oser mentir.

Sans doute, le passionné d'histoire n'est pas historien, et je dirais «tant mieux», car si cela était, la vérité scientifique nous brûlerait tous vivants. Et nous ne serions pas là à rêver des fantastiques images qui n'ont pas existé, qui auraient pu exister et auxquelles beaucoup croient tout de même... avec quelque indifférence. En effet, Luttes d'un peuple, émergence d'une nation (*), un titre évocateur d'histoire que nous propose à lire Kamel Bouchama, excite notre curiosité et d'autant que c'est un «beau livre» (format 23x27 cm), un labeur soigné, paru «en ce 50e anniversaire de juillet 1962» chez Juba éditions dont le nom prestigieux traduit une fidélité à la mémoire du fondateur du royaume de Maurétanie «Juba, étant un ancêtre, bien de chez nous, un roi berbère, souverain de Caesarea (25 av. J.-C. à 23 ap. J.-C.) [...]. Juba, une appellation qui nous fait revisiter un pays, le nôtre, qui est plein de hauts faits.» Aussi faut-il peut-être souligner que le Livre Algérien, quel que soit son format ou son contenu, mérite un façonnage professionnel total qui n'a rien à voir avec le petit travail d'imprimerie produisant des bilboquets de peu d'importance et qui n'engage pas la qualité d'une oeuvre à caractère national.
Quant à l'auteur Kamel Bouchama, nous avons déjà lu et présenté ici-même des oeuvres traitant de politique, d'histoire (dont De Iol à Caesarea à Cherchell) et de culture générale. Mais là, il s'agit d'un genre spécifique, disons un ensemble de récits pédagogiques d'histoire qui lui sied bien parfaitement et qui ouvre, ainsi qu'un ouvrage de synthèse de spécialiste, un clair chemin pour apprendre et comprendre quelque peu du vrai sens des «Luttes d'un peuple (le nôtre)» et dont la finalité exprimée est l'«Émergence d'une nation».

«La guerre est naturelle à l'homme, comme nation»
Kamel Bouchama n'est pas un historien; il n'est donc pas selon Voltaire «un babillard qui fait des tracasseries aux morts»; il n'essaie pas non plus de se ranger les yeux fermés aux conventions anciennes des historiens de l'époque coloniale française en Algérie. Il n'ambitionne même pas à justifier ce qu'est l'histoire générale par référence à Ibn Khaldoun qui déclare dans son oeuvre majeure La Mouqaddima que «l'histoire a pour véritable objet de nous faire comprendre l'état social de l'homme; c'est-à-dire la civilisation et de nous apprendre les phénomènes qui s'y rattachent naturellement». On peut s'effrayer de l'ampleur de la tâche que Kamel Bouchama s'est imposé: expliquer le 5 juillet 1962 «le symbole d'un peuple qui, lassé par plus d'un siècle de répression sauvage et de discrimination aveugle, s'est libéré en se mobilisant et en s'engageant indéfectiblement comme un seul homme dans la bataille du destin. C'est également le symbole de ces luttes obstinément menées par lui depuis la nuit des temps, en faisant appel à son abnégation et à son esprit d'unité et de sacrifice contre différents envahisseurs».
Cet auteur de plusieurs ouvrages, homme politique, ancien dirigeant du FLN et haut cadre de la nation, ministre et ambassadeur, cet homme de culture bilingue (arabophone et francophone) s'est introduit dans la pleine Histoire de son pays par les oeuvres qu'il a lues, analysées, comparées et confrontées à la capacité de la seule raison humaine soucieuse du principe de vérité, loin du texte falsifié et de l'anecdote facile ou amusante pour détourner son lecteur de la réalité des faits. Il s'est engagé à faire un récit articulé autour d'événements spécifiques à l'histoire d'un peuple en luttes constantes et multiformes pour forger une nation authentique, unique et unifiée, et exemplaire. Des luttes, oui, elles sont inévitables et de toute façon, ainsi que l'écrit Ibn Khaldoun: «La guerre est naturelle à l'homme, comme nation, aucune génération n'y échappe.» Aussi, la publication Luttes d'un peuple, émergence d'une nation de Kamel Bouchama est-elle concrètement un magnifique ouvrage d'art (pour l'aspect technique du labeur, notamment le format, la mise en pages et les illustrations) et de culture (pour le récit développé, à la fois, précis car fortement documenté et servi par une écriture agréable, car particulièrement naturelle et vive; servi aussi par une bibliographie abondante et importante. Mais peut-être deux titres, parmi d'autres - certes, on ne peut tout citer ou utiliser - lui ont échappé: 1 - Le Temps d'une halte, rencontre avec l'Émir Abdelkader de Abdelaziz Ferrah (édit. Apic, Alger, 2004). L'auteur y traite totalement des indispensables Mawâqif (Les Haltes) de l'Émir. 2 - La Jeunesse de l'émir Abdelkader de Kaddour M'Hamsadji (édit. OPU, Alger, 2004, rééd. 2010 et traduit vers l'arabe par Mokhtar Mehamsadji, éd. OPU, Alger 2007, rééd. 2010). L'auteur précise les origines de l'émir Abdelkader, son enfance, son éducation, sa formation, son mariage, ses premières batailles militaires et son élévation au rang d'émir, en somme un modèle à rappeler «pour donner plus de précisions à la jeunesse et l'instruire».

«Une rétrospective de notre combat»
Cependant, nous ne sommes pas en présence de leçons d'histoire, pas plus que d'un enseignement, bien que cet enseignement-là soit passionnant à donner, puisque d'une certaine manière, page après page, le lecteur est accompagné par le texte de l'auteur et l'image (photos, peintures, cartes, graphismes, documents divers,...) des faits évoqués et souvent décrits, et toujours localisés comme dans un exercice pratique scolaire. C'est alors de l'histoire vivante. Kamel Bouchama précise ses intentions dans son ouvrage: «Nous allons parler de la lutte du peuple algérien, c'est-à-dire de son combat à travers les siècles pour donner plus de précisions à la jeunesse et l'instruire sur les principales étapes qu'il a franchies, dont celle, importante, de la Révolution de Novembre, pour arriver, enfin, à retrouver sa souveraineté nationale longtemps séquestrée aux mains d'impénitents colonisateurs qui l'oppressaient et le réduisaient au stade de l'indigénat; voire de la servitude et de la sujétion.» C'est un travail sur le souvenir, publié «en ce 50e anniversaire de ce jour mémorable de juillet 1962, écrit Kamel Bouchama. [...Il est indispensable] de faire la rétrospective de notre combat - pendant des siècles - pour la défense de nos valeurs et la libération de notre pays. L'histoire des Luttes d'un peuple, émergence d'une nation s'ouvre tout naturellement sur une «Rétrospective de l'Histoire ancienne». Pour se dire, l'Histoire utilise le langage de Kamel Bouchama et sa respiration profonde, constante et heureuse: «Ainsi les jeunes sauront qu'il y a plus de 10.000 ans, nous étions bien là... dans ce pays qui est le nôtre!» Une peinture du Tassili, le prouve, d'autres illustrations suivront, bien à propos. «Assurément, note l'auteur, et l'histoire nous connaît, depuis des siècles, car nous avons occupé à une certaine époque, un grand territoire qui allait de l'Ouest de la vallée du Nil - de l'oasis de Siwa, plus exactement - jusqu'à l'Atlantique et l'ensemble du Sahara; de même que nous avons fondé de puissants royaumes, formés de tribus confédérées. Nos ancêtres les Berbères étaient connus dans l'Antiquité sous les noms de Libyens, Maures, Gétules, Garamantes ou encore Numides.» Les siècles passent lentement mais sûrement sur un pays en formation, en constitution... «Nous avons donné un Pharaon à l'Égypte - un Pharaon bien de chez nous - qui est né à Beni-Snous, dans les environs de Tlemcen... Plus tard, nous avons donné des Empereurs à Rome... plusieurs, affirment les historiens, dont Caracolla, Septime Sévère, Aureus Macrinus ou Macrin. [...] Notre pays a également donné de grands pontifes pour l'église chrétienne... [...] Et le combat continue depuis la nuit des temps»: [...] les révolutionnaires et les grandes personnalités amazighes», Massinissa, la cavalerie numide, Jugurtha, Tacfarinas, Juba II, les monuments (Tombeau royal de Maurétanie, Temple de Minerve, Arc de triomphe de Caracolla, Timgad,...) Les dynasties et les royaumes en notre pays Tariq Ibnou Zyad, Ibn Rostom, les grandes mosquées des immenses contrées de l'islâm,... Ici les siècles se succèdent et les aèdes les évoquent et citent les lieux. L'Algérie est sous la provocation des Espagnols et des Français. Puis c'est le coup d'éventail, le prétexte de trop! La lutte continue, cette fois contre l'expédition française. L'Émir Abdelkader soulève le peuple, les combats se multiplient dans tout le pays. Après 1847, le combat continue. Le mouvement de décolonisation prend de l'ampleur. Le massacre du 8 mai 1945. 1er Novembre 1954, début de la fin... Le combat libérateur pour effacer les traces de Rovigo, Saint-Arnaud, Massu et Challe. La Révolution de 54 appartient à tout le peuple algérien. Les étudiants dans la bataille. Le peuple poursuit sa lutte. Le 17 octobre 1961 à Paris. Le 20 décembre 1961, l'ONU décide, le GPRA entame les négociations avec la France, l'OAS refuse et se rebelle. Que pouvons-nous dire, après cette rétrospective?
Kamel Bouchama a une longue et perspicace conclusion dont voici un extrait: «Nous pouvons dire que cette dernière révolution que nous considérons comme le début de la fin, n'est pas le fait d'une réaction intempestive de quelques responsables ´´révoltés´´, mais plutôt l'engagement de tout un peuple et ses nombreux sacrifices qui ont abouti à la libération de notre pays de l'emprise colonialiste.[...] Nous souhaitons également rappeler, à tous, ce message que nous ont légué des frères et des soeurs, face à l'histoire coloniale, un message qui reste toujours à écrire et qui est celui de l'amitié, de la solidarité, de la justice et du progrès_ pour nos deux peuples [Celui de France et celui d'Algérie].»

(*) Luttes d'un peuple, Émergence d'une nation de Kamel Bouchama, Juba Éditions, Alger, 2013, 193 pages.

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