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CHIKH BOUAMRANE: MÉMOIRES D'UN UNIVERSITAIRE ÉCRIVAIN PAR LUI-MÊME

Les Mémoires magistraux éveillent la jeunesse...

Comme suite à l'hommage justement et naturellement fort élogieux rendu récemment par l'Association des Amis de la Rampe Louni Arezki (Casbah-Alger), à nos maîtres, à nos authentiques «chouyoûkh» (hommes de savoir, de progrès et de pédagogie), en l'occurrence à Chikh Bouamrane, Le Temps de lire, très attentif à la pensée de ce délicat et presque discret chercheur humaniste, évoque le chemin de sa destinée particulière.

Cette évocation n'est pas neutre. Et pourquoi le serait-elle? Tant de nos anciens nous ont quittés et nous ont laissé un héritage d'exemples à suivre, à compléter, à faire fructifier par la jeune génération. Parmi nos grands universitaires, un doyen des doyens, a enfin reçu samedi 23 avril 2016, une reconnaissance, je dirais populaire au sens noble du terme et, par ainsi, elle est très significative. En effet, cette reconnaissance a été exprimée par Ahl El Qaçba, au niveau de la Rampe Louni Arezki, en un lieu où Chikh Bouamrane a pris ses toutes premières fonctions d'enseignant (1945-1956), après Al Bayadh (où il est né en 1924), à l'école primaire, à Miliana, à Boufarik, à Alger (ex. école rampe Valée, aujourd'hui «La Soummam»). Là, samedi dernier, sous la présidence diligente de Lounis Aït Aoudia, l'Association des Amis de la Rampe Louni Arezki et plusieurs anciens élèves et amis de Chikh Bouamrane se sont spontanément réunis pour l'honorer. Chez nous, «honorer son Cheïkh, c'est-à-dire son Maître d'École» est un acte triplement sacré par la morale, l'intelligence et la foi... Aussi l'ouvrage Mémoires d'un universitaire écrivain, Vers une culture ouverte (*) de Chikh Bouamrane, n'est-il pas ce que certains, quelque peu éventés, pourraient murmurer: «Quel péché d'orgueil, parler de soi!». Mais au vrai, compte tenu d'un trop de mauvaises volontés qui, trop souvent, brisent la bonne volonté de nos grands intellectuels et de nos prodigieux créateurs d'art et de culture: «Être à soi-même, est-ce un péché d'orgueil, s'il s'agit d'évoquer le chemin d'une destinée particulière, - et serait-elle la sienne?»

Le sens du devoir et du sacrifice
L'ouvrage Mémoires d'un universitaire écrivain: Vers une culture ouverte (*), de Chikh Bouamrane est riche de cet enseignement à l'adresse des jeunes, car, après des études supérieures en lettres et en philosophie, un doctorat d'État en cette dernière discipline, il a occupé de nombreux postes importants, entre autres, dans l'Éducation et à l'Université.
Il a été ministre de la Communication et de la Culture. Depuis le 31 mai 2001, il est président du Haut Conseil Islamique et, à 92 ans, il reste toujours lucide et perspicace en ce domaine de la foi. Parfaitement bilingue, il est auteur de livres aux titres flamboyants d'intérêt multiple (Ibn Rochd, Fasl-al-maqâl (en arabe), Panorama de la pensée islamique (avec Louis Gardet); Les scouts musulmans algériens; L'Émir Abd-el-Kader, résistant et humaniste; L'Algérie coloniale par les textes; Regards sur la culture d'hier à aujourd'hui,... Dans le présent ouvrage, Chikh Bouamrane initie de nouveau un beau débat de communication. Tout homme d'expérience, de formation universitaire et qui a pratiqué dans sa jeunesse le scoutisme musulman et, à l'âge adulte, a cultivé les lettres et fréquenté la politique nationale, ne pouvait déjà - au cours de son intervention au fameux 1er Colloque culturel national au club des Pins, en 1968 - que se dire «philosophe sur les bords». Plus tard, dans ses différentes fonctions, il ne pouvait être que pleinement instituteur; c'est-à-dire homme de culture et de sagesse, éduquant et instruisant en puisant dans les grandes sources du savoir. Sans doute, la personnalité de Chikh Bouamrane est-elle là, entière, globalement intéressante pour laisser voir au-delà ses intentions éducatives et instructives. Raconter son expérience de vie dont on veut d'abord profiter soi-même pour se bien connaître et se reconnaître, faire le point sérieusement par une approche vers laquelle nous pousse tout notre être livré, consentant, apaisé, - pourquoi pas? Rendre publique sa personnalité, cela est sans doute «orgueil», un péché primordial, et puis, plus que cet angoissant «qu'en-dira-t-on» qui est déjà trop, se dresse toujours le supplice de cette démoralisante question «à quoi bon?» Qu'il faut donc du courage pour exposer, en toute humilité et avec une sobre résignation, une part de soi, que l'on croit la meilleure de sa vie, à la jeune génération qui en appelle à l'Aîné! Elle cherche ses repères confusément, désespérément, - et où irait-elle les chercher si elle ne trouve chez elle, près d'elle, autour d'elle, une image, cent images, mille images, mille millions d'images, des reflets d'histoire, de culture et de civilisation pour édifier, à son tour, son avenir, encore plus digne, encore plus beau, encore plus sûr, que celui auquel les générations précédentes, en des temps pourtant très durs, s'étaient consacrées avec le sens du devoir et du sacrifice? Pour une compréhension plus complète de l'idéal humain algérien, les jeunes ont besoin de modèles concrets à imiter puis à dépasser; sur ce long chemin de la quête d'eux-mêmes, ils se formeront, étape après étape, une pleine personnalité. Ce peuple jeune, comme tous les peuples, a lui aussi hâte de dénombrer ses sages, ses héros et ses saints. Les psychologues savent parfaitement cet âge qui exige, souvent avec violence, sa formation au statut d'adulte, son intégration et sa place dans la société humaine adulte. Mais comment? Dans quelles conditions? Pourquoi? Autant de questions qui trouveront des propositions de réponses dans certains ouvrages de nos auteurs, parmi lesquels je cite: Mémoires d'un universitaire écrivain. Vers une culture ouverte de Chikh Bouamrane. Celui-ci, professeur émérite de l'université d'Alger (Philosophie), se distingue par son ouverture au progrès, par l'étude et l'analyse de la personnalité humaine à travers ses illustres représentants algériens anciens et modernes, et particulièrement ceux en qui la haute pensée islamique a levé une conscience souveraine de la liberté humaine.

Pour une culture ouverte, mais pas à la tempête
Aussi, Chikh Bouamrane déclare-t-il d'emblée se ranger dans la catégorie de ceux qui pensent que «décrire son propre passé et son expérience, en s'en tenant aux événements et aux faits les plus significatifs, permet de faire partager ses goûts, ses émotions et ses difficultés par les proches et les lecteurs.» Il estime que «cette analyse peut être le fruit d'une expérience particulière et une contribution à la vie sociale. [...] Témoin ou acteur, on donne une présentation pertinente de l'une et de l'autre». Il a également raison de faire cette observation: «On sait combien les souvenirs ou les Mémoires d'hommes ou de femmes illustres ont suscité de vocations durables et inspiré des actes décisifs dans l'histoire du monde ou celle d'un pays, qu'il s'agisse de gens de lettres, de personnages historiques ou politiques, d'éducateurs, d'artistes, de syndicalistes ou de sportifs.» De fait, ce dont rêvent ou devraient rêver nos jeunes, mais renforcé par un apprentissage de l'amour de l'Aîné, relève de la responsabilité de l'école, relève aussi du devoir de «ceux qui ont contribué, d'une manière ou d'une autre, à l'histoire de la nation». Il s'agit de donner, de redonner confiance aux jeunes par le bon exemple porteur de certitude et garant du succès. Des exemples de réussites existent, mais ils restent sporadiques et méconnus, parfois ignorés, souvent oubliés, pis encore dé-na-tu-rés!... Alors sa pierre apportée à l'édifice commun, Chikh Bouamrane, à l'âge de quatre-vingt-huit ans (en 2012), la présente en ami, ainsi: «J'évoquerai les premières études, l'entourage, le métier de pédagogue et de chef de scout, les travaux du chercheur, l'écrivain et le conférencier, le syndicaliste universitaire, un bref passage à la tête d'un ministère... Au fur et à mesure que le récit avance, je m'efforce de fournir [...] une esquisse aussi exacte que possible d'une vie entièrement vouée à l'éducation et à la culture.» La promesse de Chikh Bouamrane est tenue. Le lecteur appréciera, après avoir lu des pages aux intentions sereines et franches, comblées de générosité et, parfois, tranchées d'une juste et bénéfique causticité, car aussitôt, ici ou là, la joie est toujours de retour, celle d'un Maître moderne à l'esprit tout tendu vers une culture ouverte. Chikh Bouamrane dit sa vie: la formation et les débuts d'une carrière; avant l'indépendance, après l'indépendance; les missions d'étude, les congrès, les études universitaires; la présidence de l'Union des écrivains algériens, à la suite de l'écrivain Malek Haddad. Poursuivant le récit de son parcours, Chikh Bouamrane fait l'esquisse de tout ce qui lui tient à coeur: la Fondation Émir Abd-el-Kader; la présidence du Haut Conseil islamique; diverses et riches activités (communiqués, articles, allocutions, séminaires, conférences,...) et des annexes pour fixer les idées développées et pour illustrer ses convictions. Il me plaît de rapporter, extraite de la conclusion de Chikh Bouamrane à son ouvrage, cette magnifique évocation qui conforte la pensée juste de tous les amoureux du livre et de la lecture: «Dans mes études, la lecture personnelle a occupé une place importante en dehors des leçons et des cours, à raison d'au moins un livre par semaine. Je me suis intéressé aux grands auteurs dans les deux langues (arabe et français), en prenant des notes. Nourri ainsi par la lecture, mon goût de l'écriture s'est développé peu à peu: articles, conférences, brochures, livres enfin. Ma bibliothèque privée s'est constituée progressivement et m'a permis de me documenter sur les sujets les plus divers: biographies de grands hommes comme le Prophète et les héros de l'Islâm, les philosophes anciens et modernes, les hommes politiques qui ont marqué leur époque comme Ibn Rochd, Ibn Khaldoûn, Descartes, jusqu'à l'Émir Abd-el-Kader, Gandhi, Baden-Powell, Ibn Bâdis, Abd-el-Nacer, Jacques Maritain, Nelson Mandela...»
En somme, Mémoires d'un universitaire écrivain / Vers une culture ouverte de Chikh Bouamrane est un ouvrage franc sur des émotions personnelles hautement éducatives. On y découvre un témoignage auquel nous succombons aisément dans la mesure où la sincérité de l'auteur invite, à chaque page, au raisonnement. Ah! si tous les Algériens, en ce cinquante-quatrième anniversaire de l'Indépendance, voulaient, pouvaient,... lire et même relire leur histoire, leur culture, leur civilisation et se les assimiler, qu'ils seraient beaux, car authentiques, paisibles et libres!

(*) Mémoires d'un universitaire écrivain, Vers une culture ouverte de Chikh Bouamrane, Thala Éditions, Alger, 2012, 373 pages.

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