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ROMANS-FEUILLETONS (OMAR SAMAR) ET CAHIER DE LECTURES, 2. PAR ABDELLALI MERDACI

L'art pour l'art, c'est pour que vive l'Algérie

L'objectif, le devoir de l'universitaire et chercheur algérien est de découvrir, d'analyser et d'exposer en pleine lumière l'authentique visage de la littérature algérienne face à l'agaçante et incessante flatterie de certains éditeurs parisiens demeurés doctrinairement conservateurs de l'esprit colonial.

L'universitaire, inlassable chercheur, Abdellali Merdaci nous en fait une méthodique et magnifique démonstration avec deux ouvrages: Romans-Feuilletons (1893-1895) (*) et Cahier de lectures, 2 (Chroniques) (*). Tant il est vrai que les démangeaisons d'un urticaire spécifique, une espèce de pathologie soigneusement inoculée à distance à une «gendelettrerie» algérienne quelque peu «intéressante» et contre laquelle peu savent parfaitement s'immuniser, suffit pour l'allécher en lui faisant miroiter un rapide succès littéraire plus avantageux sur d'autres rives. Mais de toute façon, cette littérature produite par «quelques écrivains algériens, dévorés par l'ambition, vite installés volontairement ailleurs», n'assure pas la levée des couleurs nationales chaque matin qu'il fasse vent bon ou mauvais en Algérie; pis, cette littérature en habit usé d'Arlequin néglige ses racines; parfois, elle nie que le peuple d'Algérie s'est libéré de la colonisation par une guerre des plus cruelles de l'histoire contemporaine... Il est pourtant une vérité qui mérite d'être rappelée: notre littérature, chez nous, n'est pas assez encouragée, ni correctement diffusée, ni donc enseignée dans nos établissements scolaires, ni introduite en feuilletons dans la presse quotidienne, ni donc considérée. Aussi, une bonne part d'elle émigre-t-elle, s'exile-t-elle, souvent à son corps défendant, tout en restant fidèle à la terre natale et très attachée à ses valeurs qui s'épanouissent en amour de l'humanité...

Le tout premier passage de frontière
Heureux alors sommes-nous qu'un universitaire dans son ouvrage Romans-feuilletons, 1893-1895 (*), nous révèle Omar Samar un «fondateur du roman algérien», - encore une fois, nous le devons à Abdellali Merdaci, docteur en linguistique, titulaire de l'Habilitation à diriger des recherches en littérature francophone et comparée, enseignant la théorie littéraire à l'Université Mentouri de Constantine.
Dans sa brève et suffisante présentation, le chercheur Abdellali Merdaci note: «La littérature fictionnelle indigène en langue française apparaît dans l'Algérie coloniale au début de la dernière décennie du xixe siècle. Les noms de M'hamed Ben Rahal (La Vengeance du cheikh, nouvelle, 1891), Mustapha Allaoua (Le Faux talisman, récit, 1893), Mustapha Chabane (Notes de voyage d'un Indigène d'Algérie, 1893) signent une entrée discrète dans la littérature. Athmane Ben Salah, ami et guide d'André Gide, tout comme Abdelkader Abbas ont écrit - et probablement publié - à cette même période des poèmes, aujourd'hui introuvables. C'est à cette même période qu'Omar Samar (Zeid Ben Dieb) donne ses romans-feuilletons dans la presse de Bône.» Merdaci note encore: «Omar Samar (né vers 1870) est originaire de la plaine de Bône (Annaba) où sa famille possédait de riches terres agricoles, dans le ressort de la commune d'Uzerville (Dréan), chez les Ouled Dieb.» Après avoir étudié à l'école indigène française, il est notable en 1890. Trois ans plus tard, il fonde «le premier journal indigène de langue française» et, assailli par d'incessantes tracasseries de l'administration coloniale, il démissionne de «La Bataille algérienne», puis renoncera au «lancement de Mansourah, un journal de littérature et de critique».
L'expérience de Omar Samar est une empreinte intéressante indélébile dans la mesure où elle cristallise notre attention sur les intentions de l'indigène algérien cultivé - l'autorité éducative coloniale le disait «lettré» - et sur celles de la colonisation française. Merdaci nous indique, tout en les développant, les vecteurs «distinctifs» de la pensée de Omar Samar: «Citadinité», «culture et langue française», «socialité». C'est dans les pages de l'hebdomadaire El Hack qu'il fonde avec des amis et qu'il publie, en 1893, son premier roman-feuilleton Ali, ô mon frère! À noter la devise d'El Hack (30 juillet 1893): «La liberté, le droit et la vérité sont des armes invincibles entre les mains du faible». Une autre devise apparait du 30 juillet au 8 septembre 1893, la voici: «Pour Dieu, pour la patrie, pour l'équité.» De fait, pour El Hack «Il s'agissait surtout de montrer ce qu'est la colonie et quelle place la grande masse colonisée peut légitimement envisager, tout en restant respectueuse des situations établies. Recourant à la parabole, et rapportant les véritables motivations à la base de la création du journal, Slimen Bengui - signant Chakour (La Hache) - s'adresse à ses coreligionnaires en ces termes: «Si vous êtes opprimés, c'est votre faute, vous n'avez pas de solidarité...» Omar Samar publie par la suite, en 1895, Divagations d'âmes (roman de moeurs exotiques et mondaines). «Après ceux d'Omar Samar, mentionne Abdellali Merdaci, plusieurs romans algériens de langue française d'avant 1950 évoquent sur divers registres la rencontre entre indigènes et Européens, dans une situation qui évoque souvent l'impérissable choc de cultures. Et il en donne une longue liste.

Des choix et des questions
Abdellali Merdaci, ce même patient chercheur, exigeant et passionné, nous offre généreusement Cahier de lectures, 2 (Chroniques) (*), l'essentiel de ses lectures de travail et de bonheur de découvrir quelque chemin lumineux qui éclaire l'esprit, l'enchante ou le prévient des confusions, des joies hâtives et des survivances de «l'Algérianisme» et de «l'École d'Alger». En somme, comme nous tous ou nous tous comme lui, nous demandons à nos auteurs des lectures éducatives et instructives. Nous avons besoin de lire des livres qui pensent et qui nous apprennent à penser. L'enjeu de l'épanouissement culturel de notre jeunesse, c'est encore l'assimilation et le développement d'une culture à la fois nationale et ouverte au progrès. D'emblée, Merdaci avise: «Ce sont certainement les mêmes principes énoncés en couverture du précédent «Cahier», publié en 2008, qui sont à l'oeuvre dans ce nouvel opus, plus précisément l'affirmation d'une présence dans un débat culturel national toujours fragile, frappé d'incertitudes.» Il faut que j'exprime ici que je souscris à ces très justes propos tout en ajoutant la réflexion que j'ai dans une telle occurrence, parfois en public auquel je présente immédiatement mes excuses, et qui peut paraître incongrue: Les Algériens ne savent pas débattre, ils savent se battre.»
Or, et ainsi que Abdellali Merdaci le souligne dans son Avant-propos: «Les textes rassemblés ici fixent à la fois des choix et des questions de critique confronté à la formation d'une histoire littéraire nationale encore en gestation.» Quoi qu'il en soit, ce Cahier de lectures, 2 consacre l'esthétique évidente conforme à une critique à la fois interne et externe de l'auteur et de son oeuvre. Trois sections apparaissent légitimes et complémentaires: Parcours, lectures et entretien. La formule séduit le lecteur, car il imagine à raison que le chercheur lui révélera si l'écrivain est resté fidèle à lui-même, à sa pensée, à son univers, à ses sources naturelles, à ses possibilités réelles, sans fioritures, sans orgueil, mais quand même avec quelque fierté de n'avoir écouté que sa parole intérieure vive et pure, sa seule référence à débattre avec son lecteur. Aussi est-ce bien là la loi de l'écriture. Et par ainsi, Merdaci, vigilant et magnanime, retrace le parcours de Omar Samar dont le roman Ali, ô mon frère! «a été avant même Nedjma (1950) de Kateb Yacine, une fructueuse réflexion sur le roman, sur son écriture et sur ses héros.» Puis sont abordés Mohamed Hamouda Bensaï, «le passeur lumineux, un maître d'autrefois»; Djamila Debêche, «un parcours à contre-courant»; Mouloud Feraoun, «Cinquantenaire de sa disparition. Quelques repères autour d'un mythe.» Dans la deuxième section du présent «Cahier», des «Lectures» nous sont proposées comme le faisaient avec pédagogie d'autres enseignants avec d'autres lectures dans les classes de notre enfance: «Voyage intérieur autour d'une géographie archaïque du temps de Hacène Saâdi. Un roman possible»; «Le Mensonge de Dieu de Mohamed Benchicou. Le roman d'une Algérie méconnue.» La troisième section du même «Cahier» porte sur un entretien intitulé «Rencontre avec Kaddour M'Hamsadji autour du «Petit café de mon père»: «Écrire est une objection libératrice». Abdellali Merdaci me fait une immense faveur en évoquant Le Petit Café de mon père, récits au passé et quand il écrit: «Il y a une surimpression de l'écriture romanesque sur celle de la mémoire.» J'y vois à la fois «un choix et une question de critique confronté à une histoire littéraire particulièrement algérienne». Merci cher Sî Abdellali.

(*) PAR ABDELLALI MERDACI romans-FEUILLETONS (1893-1895), Médersa éditions, Constantine, 2013, 155 pages. cahier de lectures, 2 (Chroniques), Médersa éditions, Constantine, 2011, 157 pages.

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