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AU TEMPS DES GRANDS EMPIRES MAGHRÉBINS DE FATMA-ZOHRA OUFRIHA

La décolonisation de l'histoire de l'Algérie

Voila une problématique qui est au fond très simple, sauf si l'on continue à être adepte du jugement des historiens imbus de l'esprit colonial extrême.

En publiant Au temps des grands empires maghrébins (*), son livre puissant et profond, Fatma-Zohra Oufriha ouvre, à son tour, le lourd dossier de «la décolonisation de l'histoire de l'Algérie» un thème qui n'en finit pas de passionner les Algériens. Sans doute, la pensée de «décoloniser l'histoire» n'est-elle pas nouvelle; elle s'est en effet imposée plus que jamais à nos intellectuels au lendemain de l'indépendance de l'Algérie. Déjà, de l'expression «Décoloniser l'histoire», Mohamed-Chérif Sahli avait fait l'intitulé de son ouvrage paru, en 1965, chez Maspero, Cahiers libres n° 77, et avec ce sous-titre «Introduction à l'histoire du Maghreb». Il écrivait: «Pour sortir de l'impasse, il faut une nouvelle révolution copernicienne. Réviser l'outillage intellectuel, enrichir, élargir ou renouveler les postulats, les notions, les définitions et les valeurs afin d'exprimer, avec une égale sympathie, l'humanité dans sa totalité et sa diversité. Cette révision passe, en particulier, par la décolonisation de l'histoire et de la sociologie.» Et il rappelait la réflexion impeccable de Jean Dresch, extraite de la préface de ce dernier à L'Algérie: passé et présent de Lacoste, Nouschi et Prenant (1960): «Or, le colonisateur ignore communément le colonisé, volontiers considéré comme mineur, primitif, incapable, digne seulement d'une sollicitude bienveillante et paternaliste.» Je me souviens encore de la passion de Mohamed-Cherif Sahli qui, tandis que nous marchions ensemble lui, Mouloud Mammeri et moi, sur un trottoir de la rue Larbi Ben M'Hidi, nous commentait «les conventions idéologiques du régime colonial» et espérait que son appel trouverait un écho très fort chez «les historiens ex-colonisés eux-mêmes pour décoloniser l'histoire». Il est juste aussi de mentionner que Mostefa Lacheraf a publié L'Algérie, Nation et Société chez le même éditeur à la même date. Dans ce livre, Lacheraf s'est attaché à «rétablir de l'intérieur une vérité longtemps négligée ou systématiquement niée par les historiens français de la colonisation».

«Une forte demande d'histoire»
Docteur d'État en sciences économiques (1972), l'unique femme agrégée en Algérie (1984), licenciée en sociologie et en histoire, enseignante universitaire et ayant occupé des postes de responsabilité dans la haute administration, dans l'enseignement supérieur et la recherche, Fatma-Zohra Oufriha est née Bouzina à Tlemcen. Retraitée de l'enseignement supérieur en 1999, «elle poursuit au CREAD, son activité de recherche et de publication qu'elle n'a jamais cessée. Elle est l'auteur de trois ouvrages: industrialisation et transfert de technologie, - cette chère santé: une analyse économique du système de soins - et système de santé et population en Algérie; cinq numéros spéciaux consacrés à l'économie de la santé en Algérie, de multiples contributions dans des ouvrages collectifs, d'articles et de communications portant sur des thèmes divers (Extrait de ´´Petite biographie de F-Z Oufriha´´).» Citons quelques-uns de ses livres: Sidi Boumediene - Ibn Rochd: Deux immortels de l'Occident musulman (2011), Tlemcen, Capitale musulmane: le siècle d'or du Maghreb Central (1986), Culture, Environnement et Politiques de développement en Algérie et dans les pays arabes (2014).
Au temps des grands empires maghrébins est un travail universitaire qui pourrait répondre à une forte «demande d'histoire». Il réunit une série de contributions (articles, causeries, conférences) restructurées pour l'édition d'un ouvrage aux thèmes complémentaires capables de réconcilier les Algériens avec leur Histoire, - ou plutôt de les sensibiliser à leur passé historique en essayant de leur faire découvrir leur Histoire. Or connaître son histoire, c'est se connaître soi-même. Fin de hiatus, renforcement de maillons faibles dans la chaîne des souvenirs, et c'est s'assurer définitivement des fondements des origines de notre propre personnalité individuelle et nationale. Â l'origine qui étions-nous? Comment s'est constitué le peuple... algérien? L'histoire permet de réfléchir à cette problématique de la connaissance historique de soi. L'histoire est la mémoire des peuples. Interrogeons donc notre Histoire.
Fatma-Zohra Oufriha, très jeune formée au goût de la recherche et parfaitement instruite dans les domaines scientifiques et littéraires a abordé avec succès son introduction dans l'histoire des empires maghrébins. Elle les aborde avec un étonnant naturel et une perspicacité intensément intellectuelle, exigeant à la fois une pleine objectivité et une fine analyse afin de percevoir l'âme authentique du fait historique.

«Le mythe andalou»
Cette restructuration que j'ai évoquée plus haut, l'auteur du présent ouvrage l'expose ainsi telle «une gageure», - ce vocable est de Djillali Sari, son préfacier»: «Si l'écriture de l'histoire récente, celle de notre guerre d'indépendance, celle de la période coloniale aussi, est capitale, il nous semble que la longue période, n'a pas la place qu'elle mérite.» En somme, cette «longue période gagnerait à être éclairée» et constituerait le fondement de toute action vers la grande découverte de nous-mêmes. Notre histoire présente vient d'un riche passé historique, et spécialement des grands empires maghrébins que «l'amnésie collective» a refoulée loin, très loin dans le grenier du passé, legs non assumé par les générations des siècles et des siècles perdus dans la nuit des temps. Dans une introduction de plus de 32 pages pleines et denses en étude et analyse, F-Z Oufriha transcende l'esprit curieux d'apprendre son passé, car l'Algérien a été radicalement empêché sourdement de connaître son riche héritage, et le peu d'intérêt - pour des raisons diverses et parfois d'ordre matériel ou administratif - que nos historiens semblent accorder au Moyen Âge musulman et tout spécialement à l'époque des grands empires, aggrave le déficit en savoir général de la vie d'un peuple et de sa constitution. Un exemple édifiant: «Il faut donc être plus que téméraire pour se hasarder à écrire tant sur ces deux grands empires maghrébins que sur ces deux ´´monuments ´´de la pensée arabe et musulmane, surtout qu'ils en sont à l'antipode, et même si l'un a, très peu écrit et l'autre énormément. [C'est-à-dire les deux pôles extrêmes Ibn Rochd/Averroès et Abou Madyan/Sidi Boumediene].»
Néanmoins, «l'esprit scientifique» d'Ibn Khaldoun est utilisé par F-Z Oufriha comme fil d'or dans la trame de ses recherches et de ses analyses des faits et des événements «au temps de grands empires maghrébins» tout en orientant son étude sur l'option définie de «la décolonisation de l'histoire de l'Algérie». Elle aborde son sujet sous des «réflexions» appropriées à sa démarche à la fois d'historienne et de sociologue, et clairement littéraire pour revivifier un passé encombré d'ombres jetées par la colonisation. Il y a donc à retenir dans notre lecture du passé: 1- Ah européocentrisme quand tu nous tiens et que tu imbibes et en même temps inhibes ceux que tu as colonisés, même ceux pour qui il fallut une guerre atroce de presque huit ans pour se libérer de tes emprises!
2- Scientisme quand tu nous tiens! 3- Inculture quand tu nous tiens! 4- Ah français quand tu nous tiens, que de dégâts tu peux causer!
5- Aliénation quand tu nous tiens! 6- Oh le «mythe kabyle» quand tu nous tiens!»
Cet essai «est construit en deux parties»: Première partie:1- Tenter de retracer le contexte historique, politique et intellectuel dans lequel ont vécu ccs deux personnages [Ibnou Rochd (Averroès) et Abou Madyan (Sidi Boumediene]. Quelques titres de chapitres: 1- Le contexte politique du Maghreb et d'El-Andaluus... 4- Les Almohades: l'apogée du Maghreb... 6- Les études arabes à Paris: le gigantesque bouleversement... Deuxième partie: Elle est consacrée à ces deux auteurs qui représentent les deux extrêmes de la pensée et de la pratique religieuse et juridique en islam et qui méritent toutes deux d'être enseignées de façon critique et ouverte et donc réappréciées. Quelques chapitres: 1- Sidi Boumediene le sévillan, père du mysticisme maghrébin... 2- Ibn-Rochd: le cordouan croyant musulman nationaliste.» La conclusion est un appel judicieux à la raison pour récupérer notre Histoire: «En Espagne même, l'héritage andalou est traité de façon très ambiguë. Renié, occulté, pendant des siècles, il commence timidement à être reconnu par certains comme dimension incontournable de la personnalité espagnole, mais dans la facette sémite est traitée différemment selon sa confession...» Fatma-Zohra Oufriha oriente, à raison, ses lecteurs vers cette juste remarque l'attitude inégale de l'État espagnol envers les communautés vivant sur ses terre: les descendants des juifs sépharades et les musulmans. «On a là, conclut l'auteur, l'exemple parfait de ce que l'on inflige encore aux musulmans, même quand ils peuvent être considérés comme des modèles, à tout point de vue, et du traitement discriminatoire et blessant à leur égard.»
Revenons au Temps qui nous instruit et qui doit principalement et surtout instruire nos enfants, eux que l'on dit totalement nuls en histoire...

(*) Au temps des grands empires maghrébins de Fatma-Zohra Oufriha, CHIHAB Éditions, Alger, 2015, 280 pages.

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