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On ne pleure pas la bouche pleine

Mon ami Hassan, qui est un véritable ancien maquisard (du glorieux maquis des années 50, bien entendu), n´a jamais clamé haut et fort sa qualité. Ce n´est que de temps en temps qu´il laisse échapper le nom d´un camarade qu´il a connu dans un camp de PAM (pris les armes à la main).
Il change aussitôt de sujet. Il faut dire que ce n´est pas la publication de listes de faux moudjahidine qui l´empêche de dormir sur ses deux oreilles, du sommeil du juste. Non! Ce qui l´empêche de dormir comme il faut et de goûter pleinement et sereinement aux joies d´une retraite bien méritée, c´est l´état du pays. Rencontre-t-il des SDF, tôt le matin, blottis dans un amas de cartons et de journaux? Il fait la grimace en disant: «Ce n´est pas possible! Dire qu´on est en 2007!...» La vue d´un mendiant tendant la main lui déchire le coeur. Cela le gêne alors d´aller remplir son couffin au marché Houhou! Mais ce qui le chagrine le plus, c´est de voir, à côté de luxueuses limousines, de scintillants véhicules 4x4 parader ostensiblement dans les rues d´une capitale où les rares bus sont souvent bondés. Il a alors mauvaise conscience de posséder la même voiture qui le mène cahin-caha entre son modeste logis de l´Aérohabitat et le marché: il n´a plus ses jambes de 20 ans et il le regrette. «Comment se fait-il, me confia-t-il, qu´avec un tel étalement de luxe insultant, notre cher pays se trouve-t-il toujours à la traîne dans beaucoup de domaines? Nos responsables, nos cadres ne pensent-ils qu´à ramasser la grosse galette? Jusqu´à quand cela va-t-il durer?»
Je lui répondis avec circonspection (car je sais qu´il lit beaucoup et qu´il est informé de tout) que l´Algérie est classée première parmi les pays africains dans la gestion de l´environnement. Et qu´avec l´actuel jumelage du tourisme avec l´environnement dans le même ministère, on risque de faire des progrès même dans ce secteur, longtemps négligé.
«Alors explique-moi pourquoi y a-t-il encore des sachets noirs après le 31 décembre 2005, et aussi pourquoi la décharge d´Oued Smar n´a pas été fermée le 14 février 2006, comme cela a été décidé?» Il ponctuait ses interrogations en frappant de son poing sur la table. «Pourquoi l´accès à Internet coûte-t-il si cher en Algérie, alors qu´il est pratiquement gratuit en Egypte? Pourquoi l´Aadl n´a pas tenu ses engagements concernant la gestion des complexes immobiliers qu´elle a construits? Pourquoi y a-t-il autant de dépenses de prestige, alors que les pères de famille peinent à garnir leur couffin? Que fait le ministère du Travail ou l´Ugta, alors que beaucoup d´employeurs privés ne déclarent pas leurs salariés? Que fait l´APN?» Aux trois lettres de l´APN, je mis sous son nez la dépêche qui est tombée le matin même, annonçant la démission de 85 députés au Parlement...pakistanais. Je lui rappelai que les dernières démissions survenues dans un Parlement algérien remontent à 1963, quand des personnalités, comme Ferhat Abbas et Aït Ahmed, ont claqué la porte parce qu´ils n´acceptaient pas la Constitution venue d´en haut. L´annonce de la rupture du jeûne interrompit notre dialogue. Mon ami Hassan, alors, prit un morceau de pain et le mit dans la bouche. Le silence s´installa alors entre nous, car en tant que gens biens élevés, on ne parle pas la bouche pleine.

De Quoi j'me Mêle

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