Un magistrat dur à manier

Foued.S. est un receleur, amateur de virées dans la «Blanche» et dans ses grandes artères. Ce n'est pas interdit de se balader dans la capitale! Les voleurs ne prennent aucun risque avec les enquêteurs qui obtiennent tout ce qu'ils désirent savoir autour d'une affaire de vol d'une somme d'argent et de matériel informatique d'un magasin dont la porte non blindée a cédé aux efforts des bandits entraînés à ce genre d'exercice.
C'est la présentation en comparution immédiate. Les deux malfaiteurs résistent à l'interrogatoire, musclé, il est vrai. Ils ne cèdent pas de suite aux rudes questions des policiers, pour finalement tomber comme des fruits mûrs et donner les coordonnées du receleur qui a pris le matériel informatique. Une prise de taille car il est formellement connu qu'il n'y aurait plus de voleurs sans receleurs! «C'est le receleur qui écoule le produit du vol sans risque aucun!» confie un ex-détenu qui est doublé d'un fidèle et honnête repenti notoire, connu surtout des services de sécurité. Il est évidemment présenté devant le juge heureux comme tout d'avoir le receleur sur qui on a retrouvé les pièces dérobées pendant la fameuse nuit. Le magistrat est ravi d'avoir une équipe démantelée dans la capitale débarrassée pour le moment de malfaiteurs qui sont ce jour, debout face au juge, réputé comme un magistrat dur à manier. La preuve? Lorsque le juge demanda des nouvelles au premier inculpé, Wassim.F. est sidéré par la réponse du jeune ado de
19 ans qui mâchonna: «Vous me demandez, monsieur le président, des nouvelles! Eh bien, sachez qu'elles sont catastrophiques et chaotiques! Je n'ai pas 20 ans et me voilà un récidiviste dans le même méfait! J'ai grandi dans le giron de l'enfermement des mineurs et toutes les humiliations qui s'ensuivent. Quel avenir ai-je? C'est pourquoi, si vous le permettez, monsieur le juge, je souhaite ne plus répondre
- à vos questions et... je...
-Une dernière question, Wassim! Connaissez-vous cet hommee? (il désigna Foued.S. qui se fait tout petit.)
- Comment? Si je le connais? Et comment! Je ne le connais que trop bien. C'est mon voisin immédiat et il a 10 ans de plus que moi!» Djaâfar.N. Le deuxième détenu poursuivi pour vol par effraction, fait prévu et puni par l'article 350 du Code pénal est à son tour interrogé par le magistrat qui ne passera pas une éternité pour savoir ce qu'il cherche. Et la pertinente intervention du procureur va effectivement éclairer le magistrat du siège après les explications:
«Monsieur le président, des gens de cette catégorie de malfaiteurs prennent toujours les précautions les plus élémentaires pour semer les enquêteurs sur leurs pistes. Mais au parquet, nous avons aussi nos astuces», récite, le parquetier qui enchaîne:
«Qu'est-ce que vous lui aviez donné, quand et où? Interroge -t-il, juste pour montrer au receleur, qui vient d'apprendre que le bras de la justice est plus long qu'il ne le croyait! Et avant que l'inculpé ne réponde, le receleur lâche comme pour se débarrasser des questions embarrassantes:
«Non! Comment pourrais-je apporter quelque chose à quelqu'un que je ne connais pas, et...
Il lance, comme s'il était tout content de rendre service à la justice:
«Mardi, il est entré au restaurant avec un paquet à la main, qu'il m'a tendu sans se faire remarquer des clients occupés à se gaver.
--Et alors? tonna le président. A mon tour, j'ai sorti de la poche du manteau, des pages d'un journal contenant des pièces d'informatique d'une valeur de 149 millions au prix de gros, en attendant de remettre le reste de la marchandise lors d'un second rendez-vous, qui restait à fixer!
-C'est très bon! A vous Wassim! Qu'avez-vous à dire de plus dans cette affaire? Il est toujours temps de rectifier vos propos.
--Rien qui puisse venir grossir les propos de Foued, répond-il..
-- Vous voulez dire quelque chose pour votre défense? C est le moment et le bon!
--Rien! Je suis plus blanc que le blanc lui-même! Et ce n'est pas un menteur comme ce Djaâfar qui me fera parler.
--Commencez par demander pardon après l'outrage que vous venez de lancer à
l'encontre du codétenu. C'est impoli d'évoquer un menteur dans une salle d'audience! Parlez-nous un peu des pièces que les flics ont trouvées dans le coffre de votre épouse!
--Excusez-moi, monsieur le juge! Je n'ai rien à dire pour un honnête homme! Ils n'ont rien trouvé du tout! C'est une machination...
--C'est très bien! Monsieur le procureur, voulez- vous formuler vos réquisitions? lâche le juge.
«Foued, le receleur, trois ans fermes et 10 000 DA d'amende. Pour vol commis au magasin, quatre ans d'emprisonnement ferme et 250000 DA d'amende tout aussi ferme, pour Wassim.F. et Djaâfar.», annonce le procureur. Les trois inculpés prononcent le traditionnel dernier mot. Sur le siège, le président transcrit le dispositif et inflige la peine requise par le parquetier, car les faits étant avérés et graves, la loi a été appliquée dans toute sa rigueur par un magistrat aux oeillères dressées vers l'application de la loi.